Charlotte Gainsbourg : Rest – la critique de l’album

Notre avis : Depuis 2006, Charlotte Gainsbourg a retrouvé le goût du chant en livrant trois albums inspirés réalisés avec la crème des artistes du moment. 5:55 était parfaitement produit par le duo electro de Air. Puis, IRM et Stage Whisper ont bénéficié du savoir-faire de Beck pour livrer des titres biscornus à l’imparable efficacité. Pour son nouvel opus, l’actrice-chanteuse a été mise en contact par sa maison de disques (Because Music) avec l’artiste SebastiAn afin de mettre en place une collaboration. Cette fois, Charlotte a choisi de se livrer encore un peu plus en signant la totalité des paroles (hormis une chanson écrite par Paul McCartney en 2011 intitulée Songbird In A Cage) et le résultat, s’il est inégal, a le mérite de l’authenticité.
Rest est effectivement un album terriblement personnel où s’expriment toutes les douleurs et angoisses de l’artiste. Qu’elle évoque sa relation particulière avec son père disparu, mais visiblement bien présent dans sa vie (la magnifique chanson Lying With You), mais aussi la disparition tragique de sa sœur Kate Barry – à travers le superbe Kate – l’artiste explore sans faux-semblants ses failles et les livre sans filtre. Elle évoque bien entendu le mariage, la vie de couple et ses enfants, et évoque avec émotion sa timidité maladive qu’elle combat par son activité artistique. Si l’on ne peut pas parler d’un album sombre puisque Charlotte Gainsbourg semble y atteindre une sorte de maturité sur le plan artistique, il constitue une plongée intimiste particulièrement émouvante au cœur de son univers.
Sur le plan musical, SebastiAn a su offrir à la voix fluette de Charlotte un écrin à sa mesure (les allergiques aux murmures de ce type de chanteuses passeront bien sûr leur chemin), en travaillant sur des boucles synthétiques et en s’inspirant largement des ambiances développées dans les années 70 par un certain Serge Gainsbourg. Certains titres auraient d’ailleurs très bien pu figurer sur des albums de Jane Birkin exécutés par la main du grand Serge. On pense notamment à Ring-a-ring O’Roses, Kate ou encore Les Oxalis qui clôt magistralement la galette.

Celle-ci commence très fort avec les six premiers titres qui laissent augurer un sans-faute. L’émotion est à son paroxysme avec Kate, pourtant très courte, puis se poursuit avec le dansant Deadly Valentine qui déploie sa puissance electro durant six minutes entêtantes. I’m a Lie confirme le style de l’album entre modernité et hommage au père défunt. Enfin, le titre Rest, au départ frustrant car sans point d’orgue, s’avère touchant après plusieurs écoutes. Sa musique a d’ailleurs été composée par l’un des Daft Punk, invité pour l’occasion. Plus dansant, Sylvia Says sait être efficace, mais marque une légère baisse qualitative par absence d’un refrain vraiment mémorable. Heureusement, la chanson composée par Paul McCartney dans un style que l’on ne lui connaissait pas vient remettre du punch dans tout cela. Suivent deux titres plus mineurs (Dans vos airs et surtout Les Crocodiles). Jamais désagréables, ces deux plages sont nettement en-deçà des autres et ne se remarquent d’ailleurs pas vraiment au sein de cet ensemble. Là encore, l’indulgence sera de mise puisque l’album se termine par l’excellente Les Oxalis où Charlotte dialogue secrètement avec son paternel sur sa tombe. L’aspect en partie parlé est rehaussé par une musique inspirée et des développements inattendus sur près de huit minutes.
Si la perfection n’est pas encore atteinte, ce cinquième opus de Charlotte Gainsbourg a le grand mérite de s’inscrire dans la droite ligne des précédents, tout en approfondissant le sillon d’une électro typiquement française, et donc respectueuse de l’héritage de Monsieur Serge Gainsbourg. Et c’est un sacré compliment de la part de l’auteur de ces lignes.

Album Tracks :

1 Ring-A-Ring O’ Roses 4:28

2 Lying with You 3:18

3 Kate 3:40

4 Deadly Valentine 6:04

5 I’m a Lie 3:29

6 Rest 3:38

7 Sylvia Says 4:27

8 Songbird in a Cage 4:32

9 Dans vos airs 3:33

10 Les Crocodiles 3:17

11 Les Oxalis 7:57