voyages dessinés
Le 30 mai 2024
Laissez-vous happer par des carnettistes de talent, réunis dans une revue des plus singulières.
Fin février, un trimestriel a fait son apparition dans le paysage médiatique. Carnets d’ailleurs fait un double-pari, celui du papier et celui de hisser le voyage au rang d’art de vivre. L’équipe résume ainsi son engagement : « découverte, qualité, talent et émotion... pour [nous] offrir la plus belle revue du monde, un objet à savourer, à conserver et qui résistera au temps » (édito).
On est d’abord interpellé par l’aspect soigné de l’objet. Ajoutez à cela la souplesse de la revue et vous êtes à mi-chemin du magazine et du livre. Le premier numéro de ce mook interpelle déjà par sa couverture. Le nom « Carnets d’ailleurs » se détache sur un fond blanc, puis quelques sujets abordés dans les pages sont mis en avant et semblent nous convier à un tour du monde. Au vu des lieux mentionnés, on comprend que la focale va peu à peu se resserrer. La revue nous fait partir en Asie pour, à la fin, nous faire atterrir en France. Elle se veut une respiration dans notre monde où tout va à toute vitesse. Et le sujet qui fait office de produit d’appel a le don de nous transporter immédiatement, autant par le dessin à l’aquarelle que par son titre. Deux carpes koï nagent paisiblement et la revue promet de nous amener « le parfum du Japon », un récit que l’on retrouve dans ses pages. Le dessin est d’une telle finesse qu’on pourrait presque percevoir l’onde de l’étang... Tout, ici, fait appel aux sens et nous invite à la contemplation. Mais avant de nous pencher sur le contenu de ce numéro, remontons aux prémices de cette aventure.
Joël Alessandra et Jean-Paul Moulin, tous deux scénaristes, ont eu l’envie de travailler pour la presse au même moment. Ils ont la passion commune du voyage et décident alors de combler un vide dans le paysage médiatique en proposant "un magazine dédié au voyage dessiné » d’après Jean-Paul Moulin, qui a parlé de la revue au micro de notre podcast. C’est aussi pour eux l’occasion de mettre en avant le travail d’artistes qui peinent à sortir de l’ombre. Pour ce faire, ils ont pu compter sur le soutien des Urban sketchers, une communauté mondiale de dessinateurs urbains, auxquels ils n’ont pas manqué de consacrer quelques pages à la fin de leur premier numéro. Ils partagent une même vision du dessin : celui-ci doit se faire sur place et être partagé. Contrairement à La Revue dessinée, eux ne tiennent pas à véhiculer des informations en premier lieu mais à mettre l’accent sur les émotions. Et pour cela, il faut que le lecteur (comme les artistes qui ont collaboré à cette revue l’ont fait) accepte de se laisser surprendre.
Chaque sujet s’ouvre par un dessin qui s’étend sur une double page et occupe les trois quarts de l’espace. Le titre du récit et le nom de son auteur sont liés par la même couleur, qui sera propre aux histoires qui se passent en France, à celles qui ont pour cadre l’Europe et enfin aux récits qui se situent en-dehors du continent. Cette double page est toujours suivie d’une carte afin que le lecteur puisse se repérer, et de quelques mots d’introduction.
Par leurs croquis, les dessinateurs cherchent à saisir un moment et parfois, à se rapprocher des gens. Et pour celles et ceux d’entre nous qui croient connaître les lieux, c’est l’occasion de les redécouvrir sous un autre jour tout en se faisant une idée de l’artiste. Les styles sont très divers et les dessins portent indéniablement une trace du ressenti de leurs auteurs. Pastel, gouaches, feutre noir... Joël Alessandra, par exemple, communique parfaitement son admiration devant l’oasis d’AlUla. Il nous happe avec ses aquarelles aux couleurs chaudes... Dans ce désert, le temps s’est arrêté et les terres arides sont si bien peintes qu’on pourrait sentir un souffle chaud. La poésie des dessins se retrouve dans le texte et le tout insuffle en nous un sentiment de légèreté.
Il semble qu’avec leurs crayons ou leurs pinceaux, les carnettistes aient réussi à percer à jour le lieu, en osant l’observer sous un angle inattendu. Le sujet sur Narbonne en est un parfait exemple. Pendant un an, Laurent Bonneau a pris de la hauteur pour redécouvrir cette ville, au sens propre comme au sens figuré. Avec ses treize croquis, il propose une mosaïque de constructions urbaines. Il les a tous réalisé depuis des vues en hauteur et montre ainsi l’empreinte de l’être humain. Ici, on contemple d’abord les croquis, d’une étonnante précision. La ville, réputée pour son agitation, parait étonnamment calme. Le dessinateur se détache de la carte postale : s’il ne néglige pas les monuments renommés, il s’attarde aussi sur les bâtiments qui ne sont pas médiatisés, inconnus du grand public. Tout laisse penser que Laurent Bonneau a tenté de comprendre la ville...
Carnets d’ailleurs partage également ses lectures coup de coeur, des festivals ou encore des rencontres culinaires. Elle fait donc la part belle au temps long et à l’émotion. Prenez le large avec cette revue avant, peut-être, de voyager pour de bon, à la manière des carnettistes.
Découvrez également l’entretien avec Jean-Paul pour Dans ma bulle
172 pages - 17,50 €
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