Bougainville, le voyage à Tahiti

Avis : Arte met ses pas dans ceux de Bougainville, navigateur imprégné de l’esprit des Lumières qui, en 1766, entreprit un voyage vers l’immense océan Pacifique, alors globalement méconnu, en dépit des expéditions de Wallis et Cook. Ce docu-fiction gigogne retrace avec précision l’itinéraire emprunté par l’explorateur, qui embarqua avec lui des scientifiques de renom comme le naturaliste Philibert Commerson, dont l’assistant n’était autre qu’une femme, alors que seuls les hommes étaient autorisés à participer au voyage. L’astronome Pierre-Antoine Véron était également présent, tout comme le prince Charles de Nasseau, aventurier notoire, qui tombera, sitôt la terre ferme atteinte, sous le charme des femmes autochtones. Lorsque la frégate La Boudeuse accoste, après des mois de voyage, sur l’ile de Tahiti, Bougainville croit y reconnaître une sorte de paradis perdu qu’il nomme « La nouvelle Cythère ». Mais le documentaire rappelle, à juste titre, que les Polynésiens, profondément bienveillants à l’égard de leurs visiteurs, n’étaient pas ces « bons sauvages » que l’ethnocentrisme occidental fantasmait, dans sa certitude d’incarner la civilisation. Grands explorateurs eux-mêmes, astronomes plus habiles que nos scientifiques, prompts à tirer les fruits d’une nature généreuse, les habitants de ce monde éloigné ont beaucoup appris aux découvreurs qui les ont d’emblée réduits à un mythe, où s’est érigée l’idée d’une société égalitaire, à l’état de nature. La réalité est différente : extrêmement hiérarchisé, dominé par des catégories sociales, le modèle tahitien fait écho à la structure des sociétés européennes. Bougainville, le voyage à Tahiti n’oublie pas de prolonger son propos, en évoquant une nouvelle génération de scientifiques, qui travaille à protéger la formidable biodiversité de cette région du monde.