Le 3 octobre 2005
La délicieuse mécanique de la peur chez Raymond Carver.
La délicieuse mécanique de la peur chez Raymond Carver.
"Passer en coup de vent. Ne pas s’éterniser. Reprendre sa route." Ecrire une nouvelle, pour Raymond Carver, cela ressemble à ça. Dans son bref essai intitulé De l’écriture [1], il cite, à propos de son art, V.S. Pritchett, pour qui le sujet d’une nouvelle s’apparente à "une chose fugace qu’on entrevoit en passant, du coin de l’œil". Le travail du nouvelliste consistant alors, pour l’auteur des Vitamines du bonheur, "à donner le plus de force possible" à cette vision.
C’est peu dire que Carver, le "Tchékhov américain" comme l’appelèrent certains, y a réussi. De ses textes aux personnages rompus, perdus, déchirés se dégage une puissance autant étonnante que maîtrisée. Une inquiétude aussi - crainte de voir ces serveuses, ces ouvriers, ces chômeurs se fracasser à tout instant. "Dans les nouvelles, dit encore Carver, j’aime que l’on sente une menace qui plane, qu’on ait l’impression d’un danger imminent." Aucun risque, dans son œuvre, de se sentir en sécurité. Encore moins lorsqu’on la lit dans une épaisse compilation de poche [2] où ses nouvelles se succèdent sans temps mort, sans offrir au lecteur le moindre indice - visuel ou tactile - de leur fin prochaine. Alors on frémit à chaque page tournée de peur que ce ne soit la dernière.
[1] Publié dans le recueil Les feux, paru aux Editions de l’Olivier
[2] Celle publiée par Stock et qui réunit les recueils Les vitamines du bonheur, Tais-toi je t’en prie et Parlez-moi d’amour
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