La soif du mal
Le 2 octobre 2011
Définition de la folie devant et derrière la caméra, par un cinéaste dont on sent à chaque instant le désir avide de cinéma. A découvrir comme un pur plaisir filmique, sans nécessairement connaître l’original.
- Réalisateur : Werner Herzog
- Acteurs : Nicolas Cage, Eva Mendes, Val Kilmer, Alvin "Xzibit" Joiner, Fairuza Balk
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 17 mars 2010
- Plus d'informations : Le site officiel du film
– Durée : 2h02min
– Titre original : Bad lieutenant : port of call - New Orleans
Définition de la folie devant et derrière la caméra, par un cinéaste dont on sent à chaque instant le désir avide de cinéma. A découvrir comme un pur plaisir filmique, sans nécessairement connaître l’original.
L’argument : Terence McDonagh est inspecteur dans la police criminelle de la Nouvelle-Orléans. En sauvant un détenu de la noyade pendant l’ouragan Katrina, il s’est blessé au dos. Désormais, pour ne pas trop souffrir, il prend des médicaments puissants, souvent, trop souvent... Déterminé à faire son travail du mieux qu’il peut, il doit faire face à une criminalité qui envahit toutes les vies, même la sienne. Sa compagne, dont il est éperdument amoureux, est une prostituée. Pour la protéger, Terence est obligé de prendre des risques. Parce qu’il est sur les traces d’un gros dealer, sa vie est en jeu. Parce qu’il doit enquêter sur l’assassinat d’une famille d’immigrants africains, il doit mener une enquête impossible. En quelques heures, tous les enjeux de sa carrière et de sa vie vont se combiner pour devenir sa pire épreuve. S’il s’en sort, Terence saura enfin qui il est vraiment...
Notre avis : La Nouvelle-Orléans, dans un énigmatique « après » du déluge. C’est à travers une carcasse de ville que Werner Herzog promène une carcasse d’homme - un fou, mû par cette folie qui atteignait déjà Aguirre, Fitzcarraldo, ou le châtelain de Coeur de verre. Dans les yeux hagards de Nicolas Cage - au meilleur de sa paranoïa depuis A tombeau ouvert -, la caméra elle-même démente de Herzog filme les nuances complètes de cet arc-en-ciel de la déraison, qui court de la loufoquerie bouffonne à la démence lourde, et ravage tout sur son passage. Partis d’une banale affaire de meurtre et de drogue, cadrée dans une charpente bien huilée de polar choc où ripoux et dealers en prennent pour leur grade, nous voilà catapultés dans un numéro de cirque plus grotesque que sublime, avec des âmes qui dansent le hip-hop et des iguanes qui nous font les yeux doux. Comme un bambin insupportable qui casse ses jouets, le cinéaste - qu’on n’avait pas vu depuis longtemps muni d’aussi gros moyens - dynamite de l’intérieur, et plus subtilement qu’il n’y paraît, tout le léché d’un film qui aurait pu relever du plus impeccable des classicismes. Sur le plan visuel mais également scénaristique, Herzog retient de la pratique si hollywoodienne du remake ce qui en constitue la variable peut-être fondamentale, un « geste » initial à la fois identifiable et individuel.
- © Metropolitan FilmExport
Car on en oublierait presque qu’en amont, il y a un film de Ferrara, sombre, musclé, habité par un Harvey Keitel en chair(s) et en sueur, et à qui donne la réplique deux personnages inoubliables, d’une présence à la fois sournoise et totalitaire : la drogue d’un côté, la ville de New-York de l’autre. Herzog conserve la poudre - et la manie obsessionnelle du personnage pour les jeux de quasi-hasard -, oublie New-York, et part faire la chasse aux alligators, sous des climats qui lui sont plus familiers. Katrina n’est pas là pour le sous-texte politique, mais davantage pour son caractère de point d’origine mythique et apocalyptique. Pari difficile, trahison ? Plutôt un trajet audacieux, qui rappelle à l’esprit les tonalités de ses derniers essais en date, plus documentaires que fictionnels : filmer un fou dans cette cage de Louisiane, c’est aussi filmer Nicolas Cage dans son propre milieu, et lui permettre ainsi de toucher à un niveau d’aisance et un sentiment de toute-puissance qu’il n’a que rarement atteint dans sa carrière. Autour de lui, le monde semble fait de marionnettes, et l’on sent que le plaisir qui s’installe est bien celui, comme au temps d’Aguirre, la colère de Dieu, d’une relation d’amour et de haine entre un cinéaste et son acteur. Tout le long, c’est un jeu de voyeur et de vu entre l’objectif, le spectateur et le comédien, si vertigineux qu’on le dirait pris dans la même logique de spirale que le personnage du « bad lieutenant », voué à la défonce et au délire. Si l’on ajoute à ce ballet macabre les couleurs jazzy de la Nouvelle-Orléans nocturne et la très belle partition originale de Mark Isham, le tableau est complet : pour ce genre d’escale, on veut bien rester un peu plus sur le bateau.
- © Metropolitan FilmExport
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Camilla Lopez 21 mars 2010
Bad lieutenant : escale à la Nouvelle-Orléans - la critique
Projet improbable et film-trip, Bad Lieutenant est avant tout le film le plus malicieux de ce début d’année. Hourra : le cinéma sait encore (s’)amuser.
Norman06 28 mars 2010
Bad lieutenant : escale à la Nouvelle-Orléans - la critique
Incursion insolite et réussie de Herzog dans l’univers du polar américain. Déroutant mais jubilatoire.
’Boo’Radley 15 avril 2010
Bad lieutenant : escale à la Nouvelle-Orléans - la critique
Composition échevelée, électrique, schizophrénique, paranoïaque, etc., d’un délirant Nicolas Cage. Réservé à ses fans (acquis ou en devenir).
Frédéric de Vençay 6 mai 2010
Bad lieutenant : escale à la Nouvelle-Orléans - la critique
Polar étrange et lent traversé de visions hallucinées, aux limites de la parodie, "Bad lieutenant" fascine durablement (pas étonnant de la part du mythique W. Herzog). Il permet surtout de retrouver un très bon Nicolas Cage (enfin !), après 5-6 années de désert cinématographique.