Le 16 novembre 2015
- Festival : Festival d’Arras
Afin de mettre en relief le Palmarès du Arras Film Festival de 2015, petit retour sur cette édition en compagnie de son Délégué Général, Eric Miot.
Afin de mettre en relief le Palmarès du Arras Film Festival de 2015, petit retour sur cette édition en compagnie de son Délégué Général, Eric Miot.
Palmarès 16e Arras Film Festival - Compétition Européenne
Atlas d’or / Grand prix du jury
Dotation de 12 000 € par la Communauté Urbaine d’Arras au distributeur français du film
Décerné à
Virgin Mountain (Fúsi) de Dagur Kári (Islande / Danemark, 2015)
Atlas d’argent / Prix de la mise en scène
Dotation de 5 000 € par le Conseil Régional Nord-Pas de Calais au réalisateur du film
Décerné à
Thirst (Jajda) de Svetla Tsotsorkova (Bulgarie, 2015)
Mention spéciale du Jury
Décernée à
Home Care (Domaci pece) de Slavek Horak (République Tchèque, 2015)
Mention spéciale du Jury à un comédien
Décernée à
Gunnar Jonsson pour Virgin Mountain (Fúsi) de Dagur Kári (Islande / Danemark, 2015)
Prix de la Critique En partenariat avec le Syndicat Français de la Critique de Cinéma.
Décerné à
The Red Spider (Czerwony Pajak) de Marcin Koszalka (Pologne / Rép. Tchèque / Slovaquie, 2015)
- © Aurélie Lamachère
- Eric Miot et Xavier Leherpeur lors de la soirée d’ouverture de l’édition 2011.
aVoir-aLire : Bonjour Eric ! Alors, impossible de ne pas évoquer les horreurs de l’actualité en introduction. On est bien évidemment conscient de l’importance et de la portée des événements culturels en ces "jours étranges"... Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette problématique, qui vous touche forcément de par vos différentes sections tournées vers le monde ?
Et oui, on a même des films qui étaient directement liés au sujet puisque Taj Mahal relate quand même une attaque terroriste. L’Humour à mort c’est aussi un film qui parle de janvier 2015. Donc, dans la programmation, il y a des choses qui malheureusement évoquaient tout ça. Après les événements, on s’est posé la question de savoir si on devait continuer... Très vite je me suis dit que, sauf si les autorités décidaient du contraire, il fallait absolument continuer. Notre programmation ouverte sur le monde fait réfléchir et comprendre des choses. Il n’y a pas que le côté spectacle, il y a le côté réflexion et compréhension qui fait que ça semblait tellement évident de continuer. Après, nous avons bien évidemment fait ça dans le respect des règles, mais très vite, on nous a dit qu’il fallait "y aller". Les autorités locales, la préfète du Pas-de-Calais a été ferme, elle nous a dit "c’est important, il faut que vous alliez jusqu’au dimanche soir". Le Maire d’Arras a affirmé également que les films délivrent des messages importants. D’autres élus nous ont également soutenus, on a été bien appuyés en tout cas. Je n’imaginais pas forcément que l’on aurait un tel appui.
C’est peut-être un peu plus "personnel" mais, comment met-on de soi dans une programmation telle que la votre ?
En fait la problématique du festival est à-peu-près la mienne. Quelque part, tous ces films reflètent ma vision des choses et ma vision du cinéma, qui est très large. On peut passer d’un blockbuster à un film d’auteur très personnel ou un premier film, ça ne me gène pas du tout. J’ai aussi une vision du cinéma qui me fait dire qu’on ne peut pas comprendre les films d’aujourd’hui sans regarder ceux du passé. Donc en quelque sorte, la programmation reflète cette conception là, mais aussi celle des gens qui programment avec moi : on est quand même trois sur cette programmation. Après, il y a aussi des fils conducteurs, des films qui répondent à d’autres etc. Et puis l’important dans cette programmation, c’est l’humain, l’humanité. En sachant qu’il faut les deux ; une vision de l’humanité et une vision du cinéma.
Maintenant, j’ai une question un peu anecdotique (en tout cas encore plus personnelle) : si vous deviez juste nous donner spontanément un réalisateur ou un film qui représentent le mieux votre cinéphilie ?
Ci c’était un film, je dirais, Il était une fois en Amérique, de Sergio Leone, parce que je trouve qu’il y a tout le cinéma dedans ! Je l’emmènerais sur une île déserte, il résume à lui seul tout ce que je peux aimer dans le cinéma. Un réalisateur c’est plus difficile, car j’en admire beaucoup. Mais je pense que je garderais John Ford !
Comment travaillez-vous sur le repérage de ces cinéastes appelés à devenir plus connus du grand public ?
Alors la particularité du Festival d’Arras, c’est qu’on ne fait pas d’appel à films. On reçoit de plus en plus de films spontanément, mais ce n’est pas cette méthode de travail qu’on cherche. Bien entendu on regarde par respect pour les personnes qui nous envoient ces films. Ici, on travaille plus sur le suivi. On est vraiment sur un suivi en lien avec les institutions de chaque pays, sur ce que va être sa production d’une année sur l’autre. On tente de suivre les projets, d’observer leurs créations et une fois terminés, on essaie de les voir rapidement. Nous avons également un lien très fort avec des vendeurs internationaux qui eux-mêmes nous font des propositions. Il n’est pas rare de recevoir un vendeur international qui a trois films potentiellement intéressants pour nous. Dans ce cas on les regarde, et ça peut être une façon de découvrir des choses. On aime aussi le suivi des auteurs et des producteurs. Il y a des gens dont on aime le travail, et donc on les suit. Nous sommes rarement déçus.
Le principe du festival reste de découvrir des films, du cinéma dans son ensemble. Vous, vous êtes spectateur, pour sélectionner les films, mais en même temps l’interlocuteur direct de certains réalisateurs ; pour simplifier ma question, avec quel regard voyez vous les films lors du repérage ?
J’essaie de me mettre à la place du spectateur qui va venir voir le film ici. Je me replace toujours en tant que spectateur. Je garde aussi mon regard personnel de cinéphile (pas forcément le même que tel ou tel spectateur), car on ne peut pas non plus aller intégralement dans le sens du public. C’est à dire que parfois, lorsque je vois certains films, je me dis "celui là, c’est évident, il est pour Arras." Et parfois, il faut aussi tenter des choses, c’est à dire certains films sélectionnés sont difficiles pour le public... mais il faut aussi surprendre son public et le choquer. Cependant, dans l’ensemble, c’est toujours sans perdre de vue la notion de plaisir. C’est vraiment important.
Y a-t-il une nouvelle façon chez les cinéphiles et les festivaliers d’appréhender, de recevoir un film ? Avez-vous perçu une évolution au fil des années ?
Alors déjà, nous avons un public fidèle, et qui continue à se développer. On a une marge de progression de 10 % par an. 1/3 du public remonte à 5 éditions. Je pense que ce public s’est formé à un type de cinéma. Il faut éviter de tomber dans les travers du public attaché à certains stéréotypes, tout en maintenant cette sensation de plaisir dont on parlait. Après, rien ne me disait au départ si le public d’Arras serait plus sensible au cinéma d’Europe du Nord, ou d’Europe de l’Est... En conclusion, il faut savoir donner confiance en son public. Lui dire qu’un film des Balkans n’est pas forcément un film compliqué à appréhender. C’est presque un travail de formation, d’habitude à un certain cinéma. Aujourd’hui, les projections de la Compétition sont toutes pleines. Nous avons les gens qui viennent voir les grandes avant-premières, et ceux qui viennent voir ça. Observer une salle comble pour un film slovène, à 9h30 du matin, je pense que ça découle d’une relation de confiance.
Alors si vous avez un temps fort à retenir de cette nouvelle édition ?
C’est compliqué... mais une séance représente bien l’esprit du festival. Une salle était en rénovation, elle a été terminée tout juste pour le lancement du Festival. On y a fait l’avant-première de Demain, de Cyril Dion et Mélanie Laurent. On a eu un problème de serveur qui ne savait pas lire les sous-titres. Alors au début de la séance, on a annoncé que suite à ce problème, les personnes le souhaitant pouvaient sortir et être remboursées. Très peu de gens sont sortis, une vingtaine. Mais surtout, une spectatrice à levée la main en disant "moi je peux traduire." Puis une deuxième "moi je peux aider." Et finalement une troisième. Des spectatrices ont donc doublé le film et 600 personnes l’ont vu comme ça. À l’issu du film, l’échange avec Cyril Dion a été très fort. Des gens ont slamé... Une véritable magie s’est opérée, il y avait un lien puissant entre le film, le public, l’équipe et les organisateurs. Pour moi, c’est le côté magique des choses.
Voilà, c’est une belle réponse pour conclure. En tout cas pour ma part, bravo. Je trouve vraiment que c’est une très belle édition !
Propos recueillis à Arras le 15 novembre 2015
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