Le 6 septembre 2019
Un premier roman marquant sur la violence, sous l’influence de Kerouac et Céline.
- Auteur : Marin Fouqué
- Editeur : Actes Sud
- Genre : Roman
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 21 août 2019
- Festival : Rentrée littéraire 2019
Résumé : Chaque matin depuis la rentrée, ensommeillés, mutiques, mal lunés, ils se retrouvent au point de ramassage – le grand Kevin, la fille Novembre, le Traître, les faux jumeaux, et puis lui. Aujourd’hui, il ne montera pas dans le car scolaire, il va rester seul au bord de la route, sous l’abribus, sous sa capuche, toute la journée. À regarder passer les voitures. À laisser son regard se perdre sur les terres du “sept-sept”, ce département vague entre Paris et la province, entre boue et bitume, où les villes sont de simples bourgs et les champs de mornes étendues de camaïeu brun. À se noyer dans les souvenirs d’avant l’été, quand le Traître s’appelait encore Enzo et qu’avec la fille Novembre ils formaient un trio inséparable. Ce premier roman à l’énergie brute charrie la violence et l’innocence, l’âge des possibles et de l’insupportable, la construction des corps et la fracture des rêves dans un flux de conscience époustouflant de spontanéité, d’invention, de vérité.
Notre avis : Un coup de poing en plein estomac. C’est le sentiment qui nous habite, une fois le roman de Marin Fouqué terminé. Un coup violent, qui nous blesse dans notre chair comme dans notre coeur. Un coup violent qui pourtant fait du bien, comme si cette violence soudaine pouvait remettre nos idées en place.
Ce roman, ou plutôt le monologue Internet du personnage principal dont on ne sait rien, si ce n’est son surnom, Mignonne, ressemblerait presque à une errance intime dans laquelle le personnage se souvient de son enfance avec ses deux amis, La Fille Novembre et Enzo, avant sa rencontre avec le Grand Kevin.
Cette errance porte les stigmates de la fin de l’enfance, elle survient presque comme un premier bilan du passage entre l’enfance et l’âge adulte.
Et dans son enfance, rien n’a été épargné au protagoniste : une mère absente, un père dont on ne parle pas, la violence et le harcèlement de ses camarades à cause de "son corps de lâche" et ses "traits fins". Ce harcèlement trouvera son apogée lors de la fête du village, où tous les enfants vont se liguer contre lui ou encore lors des entraînements de judo, où il subira des sévices, y compris de son ami Enzo. Cette enfance s’achève sur les gestes maltraitants du grand Kevin, que celui-ci justifie comme un passage obligé.
Dans 77, la violence n’épargne personne, pas même la fille Novembre qui subit les coups reçus par son père et ceux qui sont assénés par les bandes rivales, qu’elle n’hésite pas non plus à tabasser. Le seul qui semble exempt de ce processus implacable est Enzo : il deviendra rapidement le traître.
L’autre dimension déroutante du roman est à chercher dans sa forme, loin des romans chapitrés. Marin Fouqué choisit une structure à la Kerouac, sans découpages, comme s’il avait écrit ce roman d’un seul jet, tel le rouleau de Sur la route. On retrouve l’urgence de l’auteur américain à travers un style bref, cassant, émaillé de phrases courtes qui brillent telles les voitures que les trois amis s’empressent de regarder. L’écriture avoue également sa dette à celle d’un certain Louis Ferdinand Céline, celui Mort à crédit.
En définitif, ce récit exprime une forme de nécessité de vivre, mais aussi de survivre, semblable à ceux de Kerouac ou de Céline.
De plus, la brièveté des phrases accentue cette idée d’urgence, outre qu’elle met en valeur une véritable réflexion intime, comme si le lecteur était dans la tête du narrateur et suivait tant bien que mal le fil de ses pensées. On passe du présent dans l’abri bus à des réminiscences de son passé, qu’il raconte de façon brutale, sans la moindre nostalgie, ni même la moindre tristesse. Le harcèlement qu’il subit, il semble l’accepter. En cela, le livre est violent et s’empare littéralement de son lecteur. Loin de vouloir se rebeller, le personnage encaisse les coups, attendant son heure, son salut, qui va survenir avec le grand Kévin, la découverte du shit et des filles.
Avec ce premier roman, Marin Fouqué entre avec fracas dans la catégorie des grands écrivains et bouscule cette rentrée littéraire avec force.
Marin Fouqué - 77
Actes Sud
11,5 x 21,7
224 pages
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Sébastien Thomas-Calleja 19 septembre 2019
77 - La critique du livre
Celui-là, il faut que je le lise absolument ! Belle chronique !