Sur la route de la liberté
Le 28 juin 2024
Un singulier road movie au féminin, qui a contribué à redéfinir les rôles attribués aux femmes dans le cinéma de genre.
- Réalisateur : Ridley Scott
- Acteurs : Brad Pitt, Sigourney Weaver, Harvey Keitel, Susan Sarandon, Geena Davis, Michael Madsen, Christopher McDonald , Stephen Tobolowsky
- Genre : Comédie dramatique, Road movie, Film culte
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Park Circus France, Solaris Distribution, Europe Image Distribution
- Durée : 2h09mn
- Date télé : 19 novembre 2024 20:50
- Chaîne : TCM Cinéma
- Reprise: 5 juillet 2023
- Box-office : 954 002 entrées France / 426 106 entrées P.P.
- Titre original : Thelma & Louise
- Date de sortie : 29 mai 1991
- Festival : Festival de Cannes 2023
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Résumé : Deux amies, Thelma et Louise, frustrées par une existence monotone l’une avec son mari, l’autre avec son petit ami, décident de s’offrir un week-end sur les routes magnifiques de l’Arkansas. Premier arrêt, premier saloon, premiers ennuis et tout bascule. Un évènement tragique va changer définitivement le cours de leurs vies.
Critique : L’année 1991 aura été marquée par des personnages de femmes fortes dans le cinéma américain. Tout d’abord, Jodie Foster campe le rôle inoubliable de Clarice Sterling dans Le Silence des agneaux de Jonathan Demme. Puis, en mai 1991, sort sur les écrans Thelma & Louise, premier scénario de Callie Khouri mis en scène par Ridley Scott, réalisateur des œuvres de SF cultes Alien (1978) et Blade Runner (1982), qui s’essayait ici à un genre inédit pour lui : celui du road movie. La singularité du film tient en partie au fait que ses héroïnes sont deux bonnes copines trentenaires lambda embarquées malgré elles dans une fuite en avant. L’aspect féministe de l’œuvre est clairement assumé dès le début de l’intrigue, où l’on découvre le mari de Thelma, gros beauf macho et infantile allègrement tourné en ridicule. Lorsque le séducteur de pacotille avec lequel flirte la jeune femme dans un drive-in se révèle un violeur sans scrupules, on n’a tout d’un coup plus envie de rire et son exécution instinctive par Louise, hantée par un traumatisme qu’elle refuse d’évoquer, nous met en empathie immédiate avec les héroïnes.
- © 1991 Metro Goldwyn Mayer Studio. Tous droits réservés.
Cet élément, associé à la description de quelques autres personnages masculins, a cependant provoqué la polémique aux États-Unis à la sortie de ce road movie. On l’accuse d’encourager la violence et la haine des hommes. Pourtant, le film ne condamne pas la gente masculine pour autant et le meurtre du séducteur n’est dû qu’à des circonstances particulièrement traumatiques agissant sur les héroïnes malgré elles. Et Callie Khouri de pointer du doigt la manière dont les agressions sexuelles sont encore en partie considérées : si la femme agressée est trop jolie, si elle a eu le malheur de s’habiller un peu trop sexy ou de flirter avec celui qui se révèlera être son assaillant, elle aura parfois du mal à se faire entendre ou à convaincre qu’elle ne l’a pas cherché.
Par ailleurs, le personnage de flic obstiné interprété par Harvey Keitel, qui tentera d’aider les deux femmes, ainsi que le petit ami de Louise (Michael Madsen), sont des personnages masculins positifs : virils mais pas machos, compréhensifs et sensibles. En fait, si le film a provoqué des réactions aussi violentes chez certaines personnes, c’est sans doute parce-que la situation de domination hommes-femmes, très ancrée dans la culture et le cinéma d’action ou de gangsters américain, est ici renversée, sans pour autant que les deux amies ne fassent preuve de réelle violence.
Lors des projections outre-Atlantique, l’enthousiasme suscité par les héroïnes était tel que les spectateurs applaudissaient bruyamment leurs prouesses et sifflaient les personnages masculins machos qui s’en prenaient à elle. Il faut dire que les codes sont renversés jusqu’à faire du « cowboy » texan, interprété par un jeune débutant nommé Brad Pitt, un pur objet sexuel pour Thelma et toutes les spectatrices. Ou encore à confronter le duo à un camionneur indélicat en plein désert dans ce qui restera comme une scène culte. A mesure que l’intrigue avance, Thelma, la femme-enfant aux allures de pin-up des années 50, gagne de l’assurance jusqu’à prendre les choses en main. C’est elle qui finit par rassurer Louise, dont l’armure de volonté inébranlable et de self-control se fendille de plus en plus.
- © 1991 Metro Goldwyn Mayer Studio. Tous droits réservés.
Passé le premier tiers, le ton du film est étonnamment positif et souvent léger, y compris dans son dénouement. Un parti pris qui le distingue clairement des autres ballades sans retour au cœur de l’Ouest américain telles que Bonnie & Clyde d’Arthur Penn (1969) ou Easy Rider de Dennis Hopper (1969). Sans doute parce-qu’au fond, Thelma et Louise substitue la célébration d’une liberté féminine, solidaire et irrésistible, au désespoir des laissés-pour-compte.
Ridley Scott a su donner toute son ampleur au scénario de Callie Khouri et, comme dans tout road movie qui se respecte, les paysages ont la part belle. La dernière partie du film, alliant canyons, ciel de coton et grands espaces, est particulièrement mémorable.
Malgré ses indéniables talents de cinéaste, le Britannique a souvent été considéré comme un simple faiseur d’images en raison de sa maestria visuelle et de la diversité de ses projets, qui rendent toute analyse et cohérence thématique ardue. La plupart des œuvres qu’il a réalisées étaient des films de commande, ce qui lui a valu certaines critiques. Thelma et Louise devint son plus grand succès depuis Alien et demeurera son film le mieux reçu à la fois par le public et la critique lors des années 90, avant que Gladiator (2000) ne le remette de nouveau sur le devant de la scène.
Vingt ans après, force est de constater que Thelma et Louise demeure un film de référence du cinéma américain des années 90 et un exemple assez unique en matière de road movie. Après la série des Alien, il a contribué à élargir la définition que l’on se fait des personnages féminins dans le film de genre, d’autant plus notable ici que les héroïnes sont des jeunes femmes banales qui n’ont pas la carrure ou l’entraînement d’une Sigourney Weaver.
– Festival de Cannes 2023 : sélection officielle, Cannes Classics, Cinéma de la plage
– Sortie en Blu-ray : 25 mai 2011
– Oscar du Meilleur Scénario Original en 1992
– Golden Globe du Meilleur Scénario Original en 1992
- Illustration 2018 : Myrèdje / Spark Films. (C) 2018 Metro Goldwyn Mayer Studio Inc
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