La Bibliothèque de Daniel Clowes - Ghost World - Daniel Clowes - La chronique BD

Critique : Avec une sous collection intitulée La Bibliothèque de Daniel Clowes, cette réédition semble être un bon moyen pour toute une nouvelle génération de lecteurs, désormais habitués au roman graphique, de découvrir un exemple d’auteur longtemps considéré comme en décalé, qui aujourd’hui ne peut être que reconnu comme rendant hommage aux Millenials et à toute une partie de la société américaine. Ghost World est une de ces œuvres emblématiques qui façonnent un lectorat pour longtemps : un sujet anodin et simple, le fait de traîner, de chercher à tuer le temps le mieux possible, sans but précis, sans vouloir penser à son avenir... Deux jeunes amies, l’originale Enid, rebelle mais tellement plus, la plus souple et discrète Rebecca, tellement universelle, se font des reproches, des confidences, des private jokes, jusqu’à épuisement, jusqu’à grandir, jusqu’à la limite. Car c’est la limite qui est en jeu, celle d’une ville étriquée, d’une famille que l’on ne choisit pas, de garçons que l’on croit vouloir, de ragots que l’on colle sur des gens, ne pas les voir ou les étirer au maximum, mais finalement se faire rattraper.

© Delcourt / Clowes

Pour ce qui est de l’ambiance graphique, ce bicolore noir bleu fera penser au plus récent Riad Sattouf, les visages aussi sont reconnaissables, ayant influencé une génération suivante d’artistes. Un peu froids, un peu timides parfois, un peu glaçants, un peu menaçants d’autres fois, ils constituent l’enjeu principal du dessin, le décor renvoyant à une Amérique semi rurale des années 90 étrangement assez familière, car si l’on excepte l’absence de portables et de réseaux sociaux, le mal être et le vide est plutôt intergénérationnel, et porté avant tout par ce dessin propre, lisse mais pourtant plein d’aspérités.

© Delcourt / Clowes

Réédition indispensable d’un classique du roman graphique désormais un peu (mais vraiment pas tant que ça) éloigné, Ghost World est un must have de toute bibliothèque d’amoureux du style de la contre culture américaine.