L’homme n’est pas l’avenir de la femme
Le 19 août 2008
Réalisé avant le petit virage Night and day, Woman on the beach porte la marque des grands films d’Hong Sangsoo. L’homme n’en ressort pas grandi, le cinéaste oui.
- Réalisateur : Hong Sang-soo
- Acteurs : Kim Seung-woo, Ko Hyun-joung, Song Sun-mi
- Genre : Comédie dramatique
- Date de sortie : 20 août 2008
- Plus d'informations : Le site officiel du film
– Durée : 2h07mn
– Titre original : Haebyuneui Yeoin
Réalisé avant le petit virage Night and day, Woman on the beach porte la marque des grands films d’Hong Sangsoo. L’homme n’en ressort pas grandi, le cinéaste oui.
L’argument : Joong-rae, réalisateur coréen, prépare son prochain film.
Ne parvenant pas à finir son scénario, il décide de partir à Shinduri, une station balnéaire de la côte ouest pour trouver l’inspiration.
Il demande à son ami chef décorateur Chang-wook de l’accompagner.
Mais Chang-wook emmène avec lui sa petite amie, Moon-sook, une compositrice.
Celle-ci, déjà admiratrice des films de Joong-rae, ne tarde pas à céder aux avances du réalisateur...
Notre avis : Les films d’Hong Sangsoo nous parviennent souvent de manière étrange. Ainsi, après le très réussi Night and day, sorti sur nos écrans le mois dernier, voici donc ce Woman on the beach réalisé pourtant un an auparavant. Comprenne qui pourra. On retrouve d’ailleurs une structure narrative en adéquation avec les œuvres précédentes du cinéaste sud-coréen, à savoir une histoire nettement scindée en deux parties, fonctionnant de manière symétrique, avec un triangle amoureux dans chacune. Ces deux triangles ont deux côtés communs : Joong-rae, le cinéaste en quête d’inspiration, et Moon-sook, sa muse inattendue. Avec une simplicité qui n’a d’égal que la complexité des sentiments, Hong Sangsoo fait évoluer cette relation en distillant subtilement les stigmates de ces thèmes de prédilection, en tête desquels la veulerie, l’hypocrisie, la lâcheté mais aussi la vulnérabilité touchante de la gente masculine.
Dans la première partie du film, Joong-rae séduit sans vergogne Moon-sook, la petite amie de son chef décorateur. Les deux hommes se livrent alors, comme des gamins, à une démonstration de force ressemblant à une parade amoureuse aussi ridicule que drôle. Les situations cocasses et les dialogues au cordeau sont savoureux, le charme des acteurs fait mouche. Pourtant les indices d’un certain malaise, concernant les intentions inconscientes de Joong-rae, émerge petit à petit, comme par exemple l’écharde qu’il se plante dans la main lorsqu’il tente de tracer un cœur pour sa belle sur la plage (il se fera également une crampe un peu plus tard, lors d’une course faussement idyllique avec elle).
Dans le début de la seconde partie, avant le retour de Moon-sook, Joong-rae va se livrer à un stratagème désespéré pour retrouver sa muse absente. C’est aussi, accessoirement, l’une des plus belles idées du film. Après avoir repéré ce qu’il considère être le sosie de la jeune femme, il va tenter de rejouer les scènes qu’il a vécues avec elle. En homme de cinéma, il opère un véritable casting en reproduisant les prises et les dialogues, sans se soucier de la véritable personnalité de cette nouvelle conquête. Il y a quelque chose de fascinant et d’effrayant dans ce processus qui nous révèle l’égoïsme aveugle de Joong-rae. Tel un vampire, il se nourrit des situations qu’il provoque, au détriment des femmes. Il ira jusqu’au bout de ce procédé et finira le scénario qu’il était venu écrire, lorsque Moon-sook reviendra, la laissant exsangue et amère au sujet des hommes.
En ce qui concerne la mise en scène, Hong Sangsoo reste fidèle à ses remarquables plans-séquences truffés de recadrages sauvages permettant d’exclure ou d’inclure les personnages présents selon les attirances et sentiments qu’ils éprouvent entre eux. Quant à la progression du récit, elle peut sembler laborieuse parfois (il faut rappeler que le cinéaste a pris l’habitude d’écrire au jour le jour durant le tournage) mais elle illustre et fait parfaitement ressentir la confusion existentielle des personnages.
Au final, cette évocation de l’hypocrisie masculine et de la naïveté féminine n’est pas franchement glorieuse pour le genre humain mais crée des résonances justes et viscérales au plus profond de nous. C’est ce qui nous plaît et nous plaira toujours chez maître Hong.
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Norman06 29 avril 2009
Woman on the beach
On qualifie souvent le cinéaste de Rohmer coréen. Là où l’auteur de Ma nuit chez Maud manie l’art du langage des sentiments par des scénarios élaborés et des dialogues fins, Hong Sang-soo se complait parfois dans le minimalisme un peu creux. Mais on appréciera de jolies digressions, à l’instar des séquences avec le petit chien ou les incontournables dîners arrosés, présents dans tous les récits du réalisateur.