Le 22 mars 2017
- Réalisateur : Ashley McKenzie
Premier film sur l’addiction, réaliste et juste, Werewolf a traversé l’Atlantique pour séduire Berlin, avant de trouver le chemin de nos écrans. L’occasion d’interroger sa jeune auteure sur une approche artistique singulière qui revigore le cinéma indépendant, celui que l’on aime passionnément.
- (C) Krista Comeau
aVoir-aLire : Pourquoi avez-vous choisi pour votre premier long d’aborder le thème de l’addiction.
Il y a 5 ans, sur mon île natale du Capbreton, je suis tombé sur un jeune couple qui déambulait dans la rue en poussant une tondeuse à gazon. Ils ont pénétré dans le jardin de mon voisin et se sont mis à frapper très fort à sa porte : le mec à l’entrée quand sa copine tambourinait à la porte de derrière.
Ils s’étaient mis en tête d’aller tondre sa pelouse.
Personne n’a répondu. Alors, le type est entré et j’ai entendu une dispute.
J’en ai parlé à quelques personnes qui m’ont tous dit la même chose, que c’était des « camés au crack ». L’idée du film m’est venue de là. De nombreuses personnes dans ma bourgade se battent contre l’addiction aux opiacés, mais personne n’en parle vraiment.
J’ai donc voulu investir ce problème de dépendance et l’isolement qui en résulte chez beaucoup de jeunes au sein de ma communauté.
L’esprit et le ton du film évoquent deux classiques sur le même thème, Panique à Needle Park, de Jerry Schatzberg (1971), et Drugstore Cowboy, de Gus Van Sant (1989). Quelles ont été vos influences cinématographiques sur ce film ?
Je n’avais pas d’influences cinématographiques directes. Mes références visuelles durant le tournage étaient plus photographiques et picturales. Walks Talks Flies Swims d’ Ed Ruscha, A Period of Juvenile Prosperity, du photographe Mike Brodies, et The Ninth Floor de Jessica Dimmock. Leurs photos m’ont beaucoup accompagnée.
Je n’ai pas essayé de mon plonger dans l’univers de la drogue au cinéma. Je voulais plutôt que Werewolf évite l’iconographie habituelle associée au mode de vie des « camés ».
J’étais plutôt à la recherche d’une nouvelle imagerie. J’imaginais Panique à Needle Park, un peu comme un arrière-plan à mon film. Mais quelques cinéastes ont influencé mon style de réalisation, comme Lucretia Martel, Kelly Reichardt et Robert Bresson. Le Diable Probablement est probablement le film que j’avais le plus en tête lorsque je tournais, en particulier ses images d’arbres qu’on abattait.
Il est vrai que votre approche est lumineuse et réaliste. Chaque plan relève de l’art photographique. Et vos personnages, du moins une partie de leur corps, sont souvent hors champ. Comment avez-vous défini votre style visuel avant le tournage ?
Je voulais déployer l’histoire sur une toile intimiste. Je cherchais une approche visuelle singulière, qui échappe aux déploiements d’images canoniques comme les plans larges, moyens et les gros plans, ou éviter les champs/contre champs. Un petit budget ne permet pas de maîtriser les plans larges, donc j’ai revu l’échelle des détails vers le bas. J’ai fait en sorte qu’ils puissent contenir toute la fluidité émotionnelle du film.
Mon chef op, Scott Moore, et moi n’avons pas vraiment préparé les plans à l’avance. John Fort aurait dit “Il y a bien 100 endroits où l’on peut poser sa caméra, mais un seul endroit est le bon ». On souscrit totalement à cette philosophie. On a donc pris notre temps pour trouver une endroit particulier pour poser la caméra, un endroit saisissant, sans se soucier de savoir si c’était trop hors des conventions.
Le titre est énigmatique, puisqu’il n’y a évidemment pas de loup-garou. Il participe à cette forte présence métaphorique, avec d’autres éléments comme la tondeuse, la mouche ou de la glace qui ponctuent votre film… Quelles sont vos limites dans l’explicite et l’implicite, ce qu’il faut dire et montrer ou non ?
J’ai toujours tendance à suivre mon instinct pour trouver le juste équilibre, et je fais confiance à l’intelligence des spectateurs. J’aime laisser un espace au public pour qu’il puisse engager sa réflexion plutôt que de trop communiquer sur le sens. Le silence et les actes en disent plus que les dialogues pour moi. Je préfère que les plans et le cadre prennent le dessus sur les mots dans la narration. Les Dardenne ont dit il y a quelques années qu’ils voyaient les symboles comme des poissons. Ils doivent rester sous la surface. S’ils montent à la surface, ils meurent.
Pour conclure, que pourriez-vous dire à nos lecteurs pour définir votre film ?
C’est un film sur la relation à l’autre, qui aborde l’horreur quotidienne et la rupture.
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