Des visages des figures
Le 29 mars 2019
Avec tendresse et légèreté, Agnès Varda et JR explorent les territoires de la mémoire dans un superbe documentaire mâtiné de road trip. Belle échappée sensitive, rieuse, où l’humour baroudeur du duo fait converger jeunesse et vieillesse avec spleen et passion.
- Réalisateur : Agnès Varda
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 28 juin 2017
- Festival : Festival de Cannes 2017
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Film présenté hors-compétition au Festival de Cannes 2017
Résumé : Agnès Varda et JR ont des points communs : passion et questionnement sur les images en général et plus précisément sur les lieux et les dispositifs pour les montrer, les partager, les exposer. Agnès a choisi le cinéma. JR a choisi de créer des galeries de photographies en plein air. Quand Agnès et JR se sont rencontrés en 2015, ils ont aussitôt eu envie de travailler ensemble, tourner un film en France, loin des villes, en voyage avec le camion photographique (et magique) de JR. Hasard des rencontres ou projets préparés, ils sont allés vers les autres, les ont écoutés, photographiés et parfois affichés. Le film raconte aussi l’histoire de leur amitié qui a grandi au cours du tournage, entre surprises et taquineries, en se riant de leurs différences.
Critique : Comme avec Les Plages d’Agnès, Visages Villages s’empare du documentaire en tant que terrain de jeu dédié à la mémoire. En partant avec le photographe JR aux quatre coins de la France à la recherche d’habitants désireux de partager un passé ou une anecdote, Agnès Varda pense d’abord quelque part s’être soustraite à la nostalgie. Les portraits photographiques des badauds rencontrés ici ou là qu’elle réalise avec JR la place dans un premier temps dans une posture d’écoute et d’observatrice. Une dynamique poétique et même politique commence à se mettre en place - qui n’est toutefois ici pas une fin.
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Pour immortaliser la mémoire et lui donner corps, le photographe JR et son équipe collent des clichés géants - comme autant de mises en abyme - qu’ils font développer à l’aide d’une sorte de voiture-photomaton. Des portraits viennent alors orner une maison ou un lieu à forte valeur affective - manière dans certains cas de commémorer une personne disparue, ou dans d’autres de scénariser l’existence du vivant. L’on pourrait croire que ni Agnès ni JR ne savent précisément ce qu’ils recherchent à travers leur démarche. Comme par le passé chez Varda, les idées pourtant fusent et sautillent avec légèreté sans jamais se défaire d’une réelle densité. Chez elle, la gravité n’existe que par et pour la drôlerie et la fantaisie. Depuis les premiers portraits jusqu’à la plage du bunker échoué où sera engloutie par les flots la photo géante d’un de ses amis très cher décédé, la cinéaste réalise consciemment ou non un parcours initiatique et spleenétique. Cheminement qui trouve sa quintessence au bord du lac Léman devant la porte close de la maison de Jean-Luc Godard, lorsqu’elle trouve le message codé qu’il lui a laissé, phrase qui ravive quelques mémoires enfouies et douloureuses.
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Repoussée, évacuée... la nostalgie vient malgré tout se greffer au dispositif, l’habiter même. JR, qui ne veut jamais enlever ses lunettes de soleil, rappelle à Agnès les habitudes de Godard. Elle se souvient alors d’un vieux court-métrage dans lequel le réalisateur suisse les enlève - chose rare - en compagnie d’Anna Karina. Résurgences, toujours. Entre le pimpant JR et la sage et aventureuse Agnès, c’est évidemment un geste de transmission. Le premier immortalise de la seconde les yeux dont la vue s’amenuise, et les pieds dont la force se dérobe. Pour rejouer la traversée turbulente et en accéléré du couloir de la section Renaissance du musée du Louvre tirée de Bande à Part (Jean-Luc Godard, 1964), JR pousse Agnès dans un fauteuil roulant à tout berzingue pendant qu’elle énumère les chefs-d’œuvre alentours. Surgissent alors Le fantôme du réalisateur du Mépris, les spectres de la carrière d’Agnès (Cléo de 5 à 7, Le Bonheur)... Dans ce débordement de réminiscences plane certes l’ombre d’une mort prochaine, mais celle-ci chez Varda ne correspond qu’à la fin d’un film, qu’elle dit d’ailleurs "attendre". Elle qui a transformé et révolutionné le septième art au même titre que Godard continue pourtant de gambader et de virevolter, sondant visible et invisible avec l’imaginaire d’une jeune femme. Difficile de ne pas céder aux larmes devant ce documentaire sensible et émouvant, dont la musique signée Mathieu Chedid parachève la magie.
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