Le 12 juillet 2023
Le dernier film de Louis Malle est une mise en abyme maîtrisée sur le dispositif théâtral, aux accents testamentaires. Julianne Moore y trouve l’un de ses premiers grands rôles.
- Réalisateur : Louis Malle
- Acteurs : Wallace Shawn, Julianne Moore, André Gregory, Larry Pine, George Gaynes, Lynn Cohen, Brooke Smith
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Malavida Films
- Durée : 1h55mn
- Date télé : 16 septembre 2024 23:45
- Chaîne : Arte
- Reprise: 6 septembre 2023
- Titre original : Vanya on 42nd Street
- Date de sortie : 25 janvier 1995
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Résumé : New York, sur la 42e rue. Une troupe de comédiens s’est donné rendez-vous devant le New Amsterdam, théâtre désaffecté. Ils viennent y répéter "Oncle Vania", célèbre pièce d’Anton Tchekhov.
Malavida propose au cinéma le 6 septembre 2023 la rétrospective Louis Malle, "gentleman provocateur partie 3" qui réunit trois restaurations Gaumont, Atlantic City, Black Moon et My Dinner with André, ainsi que Vanya, 42e rue.
Critique : Dernier film de Louis Malle, qui devait décéder en 1995, Vanya 42e rue fait un peu écho à My Dinner with André. Dans ce long métrage tourné quatorze ans plus tôt, Wallace Shawn et André Grégory interprétaient des personnages du milieu théâtral proches d’eux-mêmes. Ici, l’identification va plus loin. Wallace Shawn (dans son propre rôle) y campe un comédien incarnant Vanya (Vania en traduction française) dans une adaptation de la pièce de Tchekhov, quand André Grégory (nommément identifié) est filmé en train de la mettre en scène. On pourrait alors penser que Vanya 42e rue est un documentaire de Louis Malle sur un processus créatif, une sorte de making of des répétitions d’une petite troupe newyorkaise. Or, il s’agit bien d’une fiction, proche certes du genre du « documenteur », ce qui n’est pas étonnant compte tenu du parcours de Malle, dont la carrière a oscillé entre documentaire (depuis ses premiers courts métrages) et fiction. Vanya 42e rue, synthèse de son (ses) univers, apparaît donc aussi comme un film somme, et peut-être testamentaire, puisqu’il y est question de crépuscule de la vie et de bilan. Coécrit avec David Mamet, qui a traduit et adapté le texte de Tchekhov, Vanya 42e rue débute par le filmage des comédiens marchant dans les rues de New York pour se rendre dans un petit théâtre désaffecté. L’air de jazz qui accompagne la bande-son semble boucler la boucle avec Ascenseur pour l’échafaud, le premier long métrage de fiction du réalisateur, bercé par les airs de Miles Davis. La singularité de Vanya 42e rue est de passer sans transition des conversations entre les comédiens (écrites davantage qu’improvisées) à celles de leurs personnages, la pièce de Tchekhov étant ensuite au cœur du dispositif. Et malgré quelques pauses (pour souffler, se restaurer) amplifiant la mise en abyme, la caméra s’occupe essentiellement des comédiens et de la narration théâtrale. Oncle Vania (Uncle Vanya) est l’une des œuvres les plus personnelles du dramaturge russe. Outre le fait qu’elle dévoile les états d’âme de deux beaux-frères faisant le bilan de leur vie (et auxquels s’est peut-être identifié Malle), elle présente des personnages touchants par leurs qualités, mais aussi leurs défauts et mal-être. Elena, la jeune épouse de Sérébriakov, à peine plus âgée que sa belle-fille, est une bourgeoise frustrée et idéaliste, secrètement amoureuse du médecin de famille, et qui rejoint quelques figures cinématographiques de Malle, de Jeanne Moreau tentée par l’adultère dans Les amants à Juliette Binoche attirée par un homme mûr dans Fatale, en passant par la Brigitte Bardot déboussolée de Vie privée ou Lea Massari rattrapée par la transgression dans Le souffle au cœur. Julianne Moore prête son beau visage tourmenté à la comédienne jouant Elena, et ce fut l’un de ses premiers grands rôles au cinéma, avant Safe de Todd Haynes. Loin de se contenter d’une captation des répétitions de la pièce, Louis Malle propose de beaux mouvements de caméra sur des visages en désarroi, sans tenter d’échapper à son dispositif, et assumant le genre du théâtre filmé qu’il rend véritablement cinématographique. Vanya, 42e rue nous semble donc aussi puissant que L’amour fou de Rivette, Opening Night de Cassavetes ou Dogville de von Trier, dont les démarches sont comparables. À sa sortie, le film reçut d’ailleurs un bon accueil critique. Ainsi pouvait-on lire dans « La saison cinématographique 1995 » (éd. Cinégraphies), à propos de Malle : « Son travail sur le clair-obscur des lumières, les tonalités chaudes des couleurs, l’utilisation du cadre délabré et vide, tout cela est du grand art » (Marcel Martin). On ne saurait mieux dire.
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