Le 12 août 2024
L’un des meilleurs films de Louis Malle, récit percutant d’un jeune homme (presque) ordinaire enrôlé dans la Gestapo. Controversé en son temps, le métrage est désormais un classique.
- Réalisateur : Louis Malle
- Acteurs : Aurore Clément, Therese Giehse, Ave Ninchi, Jean Bousquet, Jacques Rispal, Jean Rougerie, Pierre Blaise, Gilberte Rivet, Holger Löwenadler, Jacqueline Staup, Stéphane Bouy
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Français, Allemand, Italien
- Distributeur : Gaumont Distribution, CIC Distribution, Malavida Films
- Editeur vidéo : Gaumont DVD
- Durée : 2h18mn
- Date télé : 12 août 2024 20:55
- Chaîne : Arte
- Reprise: 10 mai 2023
- Box-office : 1 744 218 entrées (France) dont 634 778 (Paris-périphérie)
- Date de sortie : 30 janvier 1974
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Malavida sort au cinéma le 10 mai 2023 la rétrospective « Louis Malle, gentleman provocateur partie 2 » qui réunit trois restaurations Gaumont : Lacombe Lucien, Au revoir les enfants et Milou en mai.
Résumé : En juin 1944, Lucien Lacombe, un jeune paysan travaillant à la ville, retourne pour quelques jours chez ses parents. Son père a été arrêté par les Allemands, tandis que sa mère vit avec un autre homme. Il rencontre alors son instituteur, devenu résistant, à qui il confie son désir d’entrer dans le maquis. Mais il essuie un refus. De retour en ville, il est arrêté par la police et dénonce son instituteur. Il est bientôt engagé par la Gestapo.
Critique : Coproduction franco-italo-allemande, Lacombe Lucien est l’un des films les plus célèbres de Louis Malle, en tout cas son plus puissant pour la décennie des années 1970. Il s’inscrit dans la lignée d’une série de longs métrages ayant révélé la face sombre de la France occupée pendant la guerre, à savoir un collaborationnisme assumé, plus ou moins prononcé, d’une frange de la population, démarche initiée par le documentaire Le chagrin et la pitié (1971) de Marcel Ophuls, interdit de petit écran pendant dix ans. Ces films abordaient aussi explicitement, pour la première fois, le thème de la déportation des juifs, comme cela fut le cas avec Les guichets du Louvre (1974) de Michel Mitrani, sur la rafle du Vél’d’Hiv. Coécrit avec Patrick Modiano, le scénario de Lacombe Lucien est un modèle de narration. Linéaire et efficace, le métrage montre le parcours d’un jeune campagnard déboussolé, sans emploi fixe, dont la mère vit en couple avec le maire du village, tandis que le père est prisonnier en Allemagne. Voulant s’engager dans le maquis, il essuie le refus de l’instituteur, relais de la Résistance. Un concours de circonstances le voit alors enrôlé dans la Gestapo française, qui lui procure le sentiment de puissance et une aisance financière, notamment par la spoliation des biens des juifs. Aucune identification n’est possible concernant le personnage de Lucien Lacombe. Il est présenté comme taiseux, inculte, violent (envers les animaux puis ses pairs), et le cinéaste ne lui accorde aucune indulgence, tout au plus des circonstances atténuantes eu égard à son parcours chaotique et son absence d’instruction.
- © Malavida, Gaumont
Sans scrupules ni états d’âmes, Lucien participe aux persécutions, même si on ne le voit pas torturer lui-même. Mais il éprouve parfois des relents de bienveillance, quand il glisse une liasse de billets dans les mains de sa mère et surtout lorsqu’il éprouve de réels sentiments envers une jeune juive qui vit plus ou moins cachée avec son père, un tailleur désargenté. Le film fut attaqué à sa sortie par la presse de gauche qui y vit, à l’instar de Serge Daney, un déni d’analyse politique et idéologique, Lucien ne rejoignant le camp fasciste que par opportunisme. Quant à la presse de droite, elle ne pardonna pas à Malle d’avoir enterré définitivement le mythe gaulliste d’une France résistante et héroïque, diffusé dès l’après-guerre, et qui perdura pendant une trentaine d’années. Ces critiques à connotation historique paraissent rétrospectivement infondées, Louis Malle ne cherchant pas à établir le portrait-type d’un jeune collabo mais à mettre en exergue un cas individuel, qui certes n’était pas isolé, mais apparaît comme révélateur du bourrage de crâne et de la manipulation exercée par toutes les organisations extrémistes. Le réalisateur se justifiera d’ailleurs dans un entretien avec Philip French : « Comme presque toujours dans mes films, je n’ai pas voulu porter de jugement. Je n’ai pas voulu simplifier, je n’ai pas voulu faire seulement le portrait d’un traître. J’ai cherché plutôt à analyser un personnage complexe, dans toutes ses contradictions. Mais je n’ai absolument pas tenté de l’excuser ou de le justifier (…) Il n’avait même pas, sur le plan culturel, les moyens de comprendre ce qu’il faisait ». Lacombe Lucien, s’il n’échappe pas toujours aux travers de la reconstitution rétro (le seul reproche que nous lui adresserons), ne correspondait pas en fait aux canons des défenseurs de la doxa de la Nouvelle Vague, qui ne juraient que par Eustache ou Pialat. Même s’il est tourné sans vedettes, le film fait part la belle aux dialogues et aux interprètes, avec une certaine noirceur faisant écho aux scénarios naguère écrits par Aurenche et Bost.
- © Malavida, Gaumont
On appréciera, parmi une distribution éblouissante, le jeu introverti du jeune Pierre Blaise, inconnu à l’écran, et qui connaîtra une mort prématurée. Il est entouré d’interprètes remarquables, d’Aurore Clément en victime ambiguë à Jean Rougerie en ignoble persécuteur, en passant par le Suédois Holger Lowenadler, l’Allemande Therese Giehse (dans un rôle quasi muet) ou Gilberte Rivet en paysanne perturbée. Et bien qu’étant de la même génération des Truffaut et Godard, Malle a toujours été attaché à la recherche de perfection technique et artistique, comme l’atteste la photo lumineuse de Tonino Delli Colli, aussi bien dans les scènes d’intérieur que dans les décors naturels (la fuite dans la forêt et le refuge dans une ferme abandonnée). Sans atteindre le niveau de Monsieur Klein (1976) de Joseph Losey, sur un sujet proche, l’œuvre est donc à (re)découvrir. Lacombe Lucien fut un succès commercial avec 1 744 218 entrées mais les polémiques autour du film froissèrent le cinéaste, qui préféra tourner ensuite à l’étranger. Celui qui avait déjà causé le scandale en abordant l’amour physique avec Les amants, et l’inceste dans Le souffle au cœur choquera de nouveau avec La petite, sur la prostitution pré-adolescente. Louis Malle sera une nouvelle fois inspiré par le thème de l’Occupation et des rafles avec Au revoir les enfants, Lion d’or à Venise et César du meilleur film, qui reçut des louanges consensuelles.
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