Le 12 septembre 2023
L’un des films les plus personnels de Jacques Rivette, qui prend son temps pour développer une réflexion sur le couple et le processus créatif, avec une interprétation éblouissante de Bulle Ogier et Jean-Pierre Kalfon.
- Réalisateur : Jacques Rivette
- Acteurs : Jean-Pierre Kalfon, Bulle Ogier, Yves Beneyton, Michèle Moretti, Michel Delahaye, André S. Labarthe
- Genre : Comédie dramatique, Romance, Expérimental, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Les Films du Losange, Cocinor
- Durée : 4h12mn
- Date télé : 16 août 2024 22:21
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 13 septembre 2023
- Date de sortie : 15 janvier 1969
- Festival : Festival de Cannes 2023
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– Reprise en version restaurée : 13 septembre 2023
– Festival de Cannes 2023 : sélection officielle, Cannes Classics
Résumé : Claire, comédienne, et Sébastien, metteur en scène, vivent ensemble. Claire s’apprête à jouer Hermione dans une mise en scène d’"Andromaque" de Racine que Sébastien et sa troupe répètent, sous l’œil d’un réalisateur de télévision qui filme leur travail. Lors d’une répétition où elle peine à dire son texte, la jeune femme quitte brusquement le théâtre. Sébastien la remplace, au pied levé, par Marta, son ancienne femme. Alors, tandis qu’au théâtre les répétitions avancent, Claire, seule dans son appartement, perd pied peu à peu.
Critique : Produit par Georges de Beauregard, L’amour fou est l’une des œuvres les plus importantes de Jacques Rivette. Tourné en 1967, quand la Nouvelle Vague connaissait des signes d’essoufflement, le long métrage sortit en salle deux ans plus tard. Longtemps invisible à la suite d’un incendie, il a finalement pu être restauré grâce à l’initiative des Films du Losange, sous la supervision de la directrice photo Caroline Champetier. Le film n’est pas réservé aux seuls cinéphiles abonnés au Cahiers du Cinéma depuis trente ans, et constituera un moment fort pour tout spectateur patient et non rebuté par sa démarche radicale et sa durée (plus de quatre heures). Une remarque que l’on peut également formuler à l’égard d’autres joyaux d’auteur récemment restaurés, comme La maman et la putain et Jeanne Dielman. Coécrit avec Marilù Parolini, le scénario met en parallèle deux situations. D’une part, une troupe de comédiens est occupée à des répétitions d’Andromaque, en compagnie de leur metteur en scène Sébastien (Jean-Pierre Kalfon), ce dernier ayant accepté que leur travail soit filmé par une équipe de télévision. D’où une captation de moments souvent improvisés, à travers une vertigineuse mise en abyme explorant une pièce dans le film, avec la jonction d’un reportage.
- © 2023 Les Films du Losange. Tous droits réservés.
D’autre part, le couple formé par Sébastien et Claire (Bulle Ogier) connaît une sérieuse zone de turbulence. La jeune femme, qui devait tenir initialement le rôle d’Hermione dans la pièce, se retire des répétitions et se cloître dans son appartement. Si Bardot était rongée par Le mépris pour son conjoint dans le film de Godard, Claire est quant à elle dévorée par la jalousie. Mais l’amour fou triomphera-t-il ? On aura compris que l’important est moins la trame narrative que l’analogie entre les deux dimensions du synopsis, les sentiments des personnages de la pièce de Racine faisant écho à ceux du couple central, d’autant plus que Sébastien incarne le rôle de Pyrrhus. Pour autant, Rivette se refuse à une approche conventionnelle et ne veut pas céder aux sirènes du « drame psychologique ». Dans un entretien avec Bernard Cohn (Positif n°104, avril 1969), il précise ainsi : « Nous pensions que cela ne veut rien dire, que la notion même de psychologie renvoie à toute l’esthétique du cinéma bourgeois traditionnel qui est celle de la littérature courante. Il ne s’agissait pas nous plus de faire de l’anti-psychologisme, parce que ça non plus, ça ne veut rien dire, ça ne correspond à rien, mais plutôt du non-psychologisme, et c’est une idée qui a été encore renforcée quand nous nous sommes mis à travailler Racine en détail avec les acteurs ».
- © 2023 Les Films du Losange. Tous droits réservés.
L’essentiel est le langage et l’attention accordée aux visages et corps des acteurs, via une caméra qui prend le temps de les regarder, dans une démarche au carrefour de la fiction et du cinéma-vérité. Le film doit ici beaucoup aux chefs opérateurs Alain Levent et Étienne Becker, et aux charismatiques Bulle Ogier et Jean-Pierre Kalfon, que Rivette avait découverts à la scène. L’actrice trouve ici le plus beau rôle de sa carrière, avec La salamandre. Mais même si le réalisateur fuit la psychologisation, il n’en mène pas moins une réflexion implicite sur les passerelles entre l’art et la vie, au même titre que dans Paris nous appartient et La bande des quatre (également sur le théâtre) ou La belle noiseuse (sur la peinture). Toujours est-il que d’autres correspondances peuvent être établies avec son univers, la détresse dans laquelle s’enfonce Claire répondant à celle de La religieuse, et sa douce folie anticipant le comportement mystérieux de Céline et Julie, qui iront en bateau quatre ans plus tard. Malgré la fascination exercée par L’amour fou, on pourra toutefois rester de marbre face à la vision désincarnée des textes classiques, des comédiens récitant de beaux textes d’une voix monocorde, une volonté qui sera aussi celle des Straub dans Othon ou Manoel de Oliveira avec Le soulier de satin. En dépit de cette réserve, ce bel objet intellectuel est un jalon majeur du cinéma français.
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