Coffret Rivette - le test Blu-ray

Les films : Potemkine a la bonne idée de rassembler deux films de Rivette, deux déambulations amusées et très libres dans Paris. Si Céline et Julie vont en bateau se veut une comédie pure, c’est néanmoins une œuvre plus complexe qu’il n’y paraît, entre magie et politique qui, dans sa longueur (plus de trois heures), échafaude une manière d’art poétique subtil. Plus mélancolique sans doute, Le pont du nord partage avec le premier le goût du jeu et des personnages féminins, mais s’affirme davantage dans le surnaturel. Deux métrages majeurs, à découvrir ou revoir sans limites.

Les suppléments :
La quantité ne va pas toujours de pair avec la qualité. Mais ici, on s’incline. Les deux DVD de bonus sont gorgés de témoignages et d’analyses qui font de ce coffret un must pour les amateurs de Rivette et pour les curieux prêts au dépaysement.
Sur Céline et Julie vont en bateau, c’est d’abord Pacôme Thiellement qui s’y colle, lui qui avait utilisé sa grille de lecture singulière pour Rivette dans Cinéma hermetica ; dans un entretien roboratif et rieur, il multiplie les pistes fécondes : un film « sur l’amnésie et l’amitié, politique, métaphysique et optimiste », une œuvre qui vise à « sauver la génération à venir des oppressions » (de la classe dirigeante, des hommes, des parents et de la culture académique) (28mn). Puis ce sont les témoignages de Rivette (20mn) et de trois des comédiennes (34mn) qui reviennent sur la méthode du cinéaste, mélange savant d’improvisation et de rigueur. La parole y est autant informative (les références à Lewis Carroll, Henry James ou les films RKO des années 40) qu’émue et précise. Émotion encore avec l’hommage à Juliet Berto, certes bien court (7mn), mais auquel les participations de Bulle Ogier et Dominique Labourier donnent une intensité et une chaleur bienvenues.

Enfin, deux cinéastes d’aujourd’hui, Bertrand Mandico et Lucile Hadzihalilovic (16 et 13mn) racontent leur rencontre avec le film et en donnent leur vision, « trip estival parisien » pour l’un, « plus belle comédie française » pour l’autre. Cela ne va pas sans légères redites, mais l’enthousiasme est patent.
Sur Le pont du nord, même abondance : Martine Marignac, la productrice, raconte avec humour et mélancolie les circonstances particulières du financement et les péripéties d’un tournage fauché (26mn) ; Bulle Ogier et Caroline Champetier évoquent ensuite, en audio seulement, leurs souvenirs sur ce film, avec moult détails et beaucoup de tendresse (24mn). Georges Prat, l’ingénieur du son, se fait plus technique pour narrer les mêmes difficultés (15mn30) ; Catherine Quesemand, assistante monteuse (13mn) et Pierre Wallon, régisseur (16mn), ajoutent leur pierre à ce récit de la construction d’un œuvre atypique. Enfin, Jean Narboni et Bamchade Pourvali analysent le film en le resituant dans la carrière de Rivette puis en abordant quelques points (les comédiennes, le film comme documentaire sur son tournage, l’époque, le rapport à Deleuze et Métropolis, la rareté des gros plans, entre autres), dans un dialogue fructueux (27mn).
Ce n’est pas tout à fait fini : sur le Blu-ray du Pont du nord figure le court-métrage « officiel », financé pour célébrer Paris ; or ce Paris s’en va (30mn) n’a, dès le titre, rien d’un dépliant touristique. Fondé sur le jeu de l’oie, le ressassement, le malaise, il est plutôt le reflet d’une ville grise et cafardeuse en même temps qu’une brillante variation sur le long-métrage, au montage désarçonnant.

L’image :
Restaurées avec soin, les copies sont à peu près dépourvues de défauts et ont gagné en définition. Le grain est respecté, l’image stable, et, malgré les effets ineffaçables du temps, les conditions optimales sont réunies pour apprécier ces deux œuvres majeures.

Le son :
Bien sûr, on est loin des canons actuels et les bruitages ont conservé une légère acidité ; mais le son est propre, les dialogues nets, ce qui suffit à notre bonheur.