Vague à lames
Le 10 novembre 2004
Une escale à Valparaíso pour épuiser la nuit. Un premier roman à passé soixante ans pour noyer l’oubli.
- Auteur : Alain Jaubert
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman & fiction
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"Marcher, marcher, première nécessité." Après seulement, découvrir, puis se souvenir. Et écrire. Plus tard. Bien plus tard. A passé soixante ans, Alain Jaubert vient de sortir son premier roman, très beaux restes de la jeunesse d’un marin faisant escale à Valparaíso à la fin des années cinquante. Il s’appelle Antoine. Il aurait pu s’appeler Alain, qui a été marin avant de se faire journaliste, chroniqueur musical, documentariste [1], enfin écrivain. Riche parcours qui porte ce Val Paradis, cargo naviguant avec bonheur sur un océan de sons et de couleurs.
Valparaíso, "nom musical et noble et ridicule". Valparaíso, un bout du monde, une escale, une nuit, la seule de ces 430 pages qui n’en perdent pas une goutte. C’est la règle que se sont fixé Alain et Roger : rester éveillés le plus longtemps possible, s’ouvrir à toutes les rencontres, ne rien refuser de ce que chaque port peut leur donner. Se goinfrer de poissons, de crustacés, d’alcools, sentir la terre couler sous leurs pieds, laisser la mort décider si elle doit ou non les emporter. Se gaver de filles, aussi, yeux à rincer dans des bordels à corps ouverts, feux à éteindre sur des draps pas lavés, à entretenir en rêvant aux amours passées.
La plongée pourrait lasser. Pas ici. Pas avec les histoires du pilotin, réceptacle de la mémoire de ceux qu’il croise. Pas avec ce rythme, cette musicalité, ce bruit des vagues qui résonne pour le plaisir des mots : "Plages sénégalaises désertes, éblouissantes, cinglantes de sel séché, et que raclent rudement les rouleaux réguliers d’une mer rageuse." Pas non plus avec cette construction du roman, cette avancée dans la nuit que suspendent des chapitres aux goûts de mer : "Naufrages", "Dune", "Piers" (les pages sur un concert de jazz à New York, Trane au saxo, sont parmi les plus réussies du roman), "Volcans", "Ecluses".
Il y a surtout, de bout en bout, ce même grondement de vie plus fort que la mort guettant le marin, ce même souffle à contrer les rugissants. Jusqu’à cette dernière vague, resserrée, directe, une lame comme un condensé du paradis qui ramène le lecteur à quai. Pour lui permettre d’attraper le prochain bateau qui l’emmènera aussi loin.
Alain Jaubert, Val Paradis, Gallimard, coll. "L’Infini", 2004, 448 pages, 22,50 €
[1] Alain Jaubert est l’auteur de la série Palettes diffusée sur Arte
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