Le 19 juin 2024
Le film emblématique de la contre-culture des années 60 n’a pas pris une ride, dans le portrait qu’il brosse de l’Amérique.
- Réalisateur : Dennis Hopper
- Acteurs : Dennis Hopper, Peter Fonda, Lea Marmer, Keith Green, Sandy Brown
- Genre : Drame, Road movie
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Park Circus France
- Durée : 1h34min
- Date télé : 21 octobre 2024 20:50
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Date de sortie : 27 juin 1969
- Festival : Festival de Cannes 1969
Résumé : Deux motards traversent les États-Unis pour en découvrir les charmes cachés... Les côtés pile et face de l’Amérique.
Critique : : Film emblématique de la contre-culture, modèle du road movie, long métrage initiateur du Nouvel Hollywood, Easy Rider demeure un jalon important du cinéma, qu’il serait réducteur d’associer à quelques signes devenus mythiques même folkloriques, comme le chopper Harley-Davidson de Wyatt, la veste à franges de Billy, ou la bande-son qui réunit le meilleur du rock, du blues, de la country, qu’il s’agisse de Steppenwolf ou Roger McGuinn, en passant par Jimi Hendrix ou The Band. A la jonction de plusieurs influences, notamment celles du néoréalisme italien et de la Nouvelle Vague française, qu’on perçoit à travers des ruptures de ton parfois brutales, le film de Denis Hopper ne constitue pas qu’un hymne à la liberté de deux bikers qui entreprennent de traverser leur pays, depuis Los Angeles jusqu’à La Nouvelle-Orléans. Il est aussi une métaphore de ce que peut être une vie, dans son déroulé sinueux, tendue vers une quête dont le mysticisme s’incarne à travers de multiples références à la religion.
Qu’il s’agisse de la famille chrétienne rencontrée au hasard d’un arrêt ou du phalanstère hippie dans lequel les deux personnages séjournent, la foi est partout, qui esquisse le modèle d’une existence à rebours d’une configuration citadine, à laquelle le film associe le thème de la conflictualité : l’emprisonnement des deux héros, suite à une parade improvisée au milieu d’un défilé, en constitue la preuve la plus tangible. Les deux marginaux y subissent les foudres d’une Amérique uniformément blanche, intolérante, celle des rednecks agressifs qui, cinquante ans avant de voter Trump, s’en prenaient déjà à ceux qui ne rentraient pas dans la norme.
Les propos discriminants que les voyageurs entendent, lorsqu’ils investissent un bar, constituent un déferlement de haines bientôt converties en actes. L’avocat, joué par l’excellent Jack Nicholson, livre une explication convaincante à Billy, parlant de ces gens qui n’aiment pas la liberté et tous ceux qui l’incarnent, hors des conventions. Son assassinat est un premier avertissement sans frais. Le trip psychédélique dans le cimetière, où s’associent les figures d’Eros et de Thanatos, infléchit très nettement la tonalité du film : les couleurs s’assombrissent, la lumière du soleil devient aveuglante, les gémissements des personnages n’augurent pas une fin heureuse. Lorsque celle-ci advient dans son absurde brutalité, on songe à un autre film, certes très éloigné par son contenu, mais semblablement radical par son constat d’un pays fracturé et sorti la même année : La nuit des morts-vivants.
A cette Amérique obscurantiste, prête à s’en prendre aux Noirs, aux hippies ou aux homosexuels, Easy Rider lève un majeur par-delà les années, comme le fait Billy avant de se faire abattre.
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Vincent Marcelin 15 juin 2020
Easy Rider - Denis Hopper - critique
La tonalité du film, en effet, est un mélange de résignation et de colère. On voit les personnages réagir de manière presque lassive à tout évènement ce qui, bien plus que le symptôme de leur goût pour les substances canabinoïdes, est le reflet de ce qu’on pu ressentir des milliers de marginaux aux Etats-Unis. Noirs, hippies ou homosexuels comme cité dans l’article mais aussi socialistes ou écologistes ou juste déviants de la pensée néolibérale en place : des êtres humains assassinés d’un coup, sans raison, comme le pasteur Casey dans Les Raisins de la colère. Ou plus récemment, Georg Floyd à Minneapolis. C’est à tous ceux-là qu’ Easy Rider donne une voix. Et le discours de Jack Nicholson [Georg Hanson] de raisonner encore et encore...
"Georg Hanson : C’était un pays de braves gens, autrefois... Je ne comprends pas ce qui leur est arrivé.
Billy : C’est devenu des froussards. On veut pas de nous dans un motel de 2e ordre. Tu te rends compte ? Il croient qu’on va les égorger. Ils ont la trouille.
GH : Ils n’ont pas peur de vous... Ils ont peur de ce que vous représentez pour eux.
B : Ils pensent qu’on a besoin d’une coupe de cheveux.
GH : Pour eux, vous représentez la liberté.
B : Que reproche-t-on à la liberté ?
GH : C’est l’essentiel. Mais en parler et être libre sont deux choses différentes. On est pas libre quand on vous achète et vous vend au marché. Ne dites pas aux gens qu’ils ne sont pas libres, car alors... ils se mettront à tuer pour prouver qu’ils le sont. Oh oui, ils vont vous rebattre les oreilles de la liberté individuelle... mais s’ils voient un individu libre, ils sont épouvantés.
B : Faut pas leur flanquer la trousse.
GH : Non. Ca les rend dangereux. "