Road-book
Le 26 septembre 2005
Un roman d’apprentisssage hallucinatoire, presque apocalyptique. Ecrit par un grand poète.


- Auteur : John Burnside
- Editeur : Métailié
- Genre : Roman & fiction

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A sa manière, Une vie nulle part est un roman d’apprentissage en plus hallucinatoire, presque apocalyptique. Mais il est surtout plus fascinant parce que John Burnside est un très grand poète.
Il aura fallu dix-huit ans à Francis pour revenir à Corby : autant d’années nécessaires pour trouver le chemin de la sérénité, la plénitude "de l’instant, du maintenant. Non pas de cet instant, ni du dernier, ni du prochain ; non pas du temps qui passe ou du temps qui se fige, mais de la façon dont c’est toujours maintenant, toujours ici. Et dont maintenant ici s’épelle nulle part". Une vingtaine d’années pour que la poussière noirâtre des hauts fourneaux de cette petite ville industrielle d’Angleterre s’efface, à ses yeux, pour faire place au ciel lumineux d’un été d’une douce tiédeur. Le temps pour se trouver, enfin...
Une vie nulle part retrace l’itinéraire, tant géographique qu’intérieur, de cet adolescent, tout juste débarqué d’Ecosse avec sa famille en quête de réussite sociale dans ce nouvel Eldorado que représentent les aciéries. La première partie de ce majestueux roman est consacrée à la peinture minutieuse de cet univers et de ses différents protagonistes : une ville triste enfouie sous les cendres et ses habitants écrasés par une vie terne et misérable. Et pour rendre compte des frustrations mais aussi des espoirs de chacun, John Burnside adopte tour à tour le point de vue d’Alina, l’adolescente un peu paumée, de Tommy, le métallurgiste violent et respecté, de Derek, le grand frère effacé ou encore d’Alma, la mère endeuillée à perpétuité... Tous sont des déracinés : culturellement, individuellement ou professionnellement... Sous prétexte de quête d’une vie meilleure, ils se cherchent eux-mêmes en réalité. Mais seul Francis aura le courage de se jeter à corps perdu sur la route : un périple qui le confrontera aux sectes et lui fera traverser l’Atlantique avant de découvrir sa vérité.
Une vérité qu’il serait dommage de dévoiler car ces 408 pages d’une poésie désespérée tendent vers cette révélation. La plume limpide et d’une grâce bouleversante de Burnside, sa sensibilité au service d’une prose cristalline ne soulignent que mieux cet étrange dénouement. A découvrir absolument que l’on s’interroge ou non sur sa petite place dans l’humanité.
John Burnside, Une vie nulle part (Living nowhere, traduit de l’anglais (Ecosse) par Catherine Richard), Métailié, 2005, 408 pages, 22 €