Une autre vie - la critique du film

Après plusieurs comédies romantiques à succès, Emmanuel Mouret nous propose un mélo. Avec une distribution dominée par un JoeyStarr épatant...

L’argument : Aurore, célèbre pianiste à la carrière internationale, s’écroule un soir sur scène, épuisée par une activité musicale trop intense. Elle part se reposer dans la maison familiale dans le sud de la France. Elle y rencontre Jean qui pose des alarmes dans les belles demeures. Entre eux, c’est le coup de foudre ; ils envisagent une autre vie, ensemble. C’est sans compter sur Dolorès, la compagne de toujours de Jean, bien déterminée à le garder… Peu importe les moyens !

© Moby Dick Films
Notre avis  : Des mains qui s’agitent fébrilement sur le clavier d’un piano de concert. Aurore (Jasmine Trinca), pianiste virtuose, s’écroule sur scène. Beau début de film.
Cinéaste affirmé de comédies romantiques, Emmanuel Mouret aborde ici avec Une autre vie le genre du drame romanesque. Tout en demeurant fidèle à son domaine privilégié de l’exploration des sentiments et tourments amoureux, il s’intéresse également dans ce film, beaucoup plus grave que les précédents, aux thèmes de la culpabilité et de la victimisation. Dans le champ de la passion et de l’amour : qui est vraiment coupable ? qui est vraiment victime ? Telles sont les questions que le réalisateur pose en effet tout au long du film.
D’emblée, on a envie de rentrer dans cette histoire tant les personnages paraissent attachants. Jasmine Trinca incarne le personnage d’Aurore, qui, en dehors de son art, est totalement démunie pour affronter les vicissitudes de l’existence. Elle semble d’ailleurs ne décider de rien : « C’est vous qui avez décidé pour moi que je devais être pianiste », dit-elle à son frère. Sa candeur la rend donc si vulnérable qu’elle se lance avec Jean (JoeyStarr), et sans retenue, dans une folle passion. Jean se trimbale, lui, de belle demeure en belle demeure pour installer des alarmes, déjà résigné à une certaine vie monotone. Rien ne le passionne vraiment – sinon les oiseaux… Il vit avec Dolorès, vendeuse de vêtements (Virginie Ledoyen), qui a perdu ses parents dans des conditions tragiques. Jean dit être amoureux depuis toujours de Dolorès : « On a grandi ensemble sans se poser de question ». Rien ne semblait pouvoir arriver d’exceptionnel ni de violent dans la vie de ces trois personnages.

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Emmanuel Mouret assume clairement son choix de réaliser un mélo. Mais nous sommes constamment désemparés par ses perpétuelles hésitations entre un drame tout en retenue et un mélodrame au lyrisme flamboyant. Aussi ses personnages ne se laissent-ils pas suffisamment aller dans le grand tourbillon et peuvent-ils ainsi paraître bridés – et par là même assez inconsistants. Au fil des images, on s’attend à être surpris par un événement un peu éclatant, un retournement de situation. En fait, Une autre vie ne décolle pas et accumule les clichés : la séance d’autographes de la star, les lents baisers dans de beaux paysages, les balades romantiques en bateau à grand renfort de violons… Le tout est de fait immergé dans une musique un peu sirupeuse. Et se dégage ainsi d’Une autre vie une impression de mol ennui.
Les situations manquent également d’originalité. Beaucoup de séquences sont convenues et maladroitement théâtralisées, notamment les deux scènes où Dolorès monologue longuement face à une Aurore quasiment muette. De même les stratagèmes utilisés par Dolorès pour garder en laisse son homme : prétendre être enceinte, jouer à fond de la victimisation et utiliser sa force destructrice à travers son handicap, faire intervenir le médecin (Bernard Verley) comme intermédiaire…
La fin du film est tout aussi déroutante. On assiste à un amenuisement de la passion entre les deux amants, orchestré par l’attitude ambivalente de Dolorès : « La meilleure façon de séparer des amants, c’est de les mettre ensemble. »
On est d’autant plus désolé par cette réalisation que nous restons convaincus qu’Emmanuel Mouret sait filmer toute la palette des sentiments amoureux et diriger les acteurs. D’ailleurs les comédiens sont tout à fait à la hauteur, chacun dans son registre. Jasmine Trinca nous séduit par sa beauté, son élégance, son jeu tout en retenue et son délicieux accent italien. Elle exprime parfaitement toute la fragilité du personnage. Virginie Ledoyen est très juste dans un personnage ambigu, paradoxal – et, au fond, le plus passionné du trio. Mais celui qui nous épate le plus est JoeyStarr. Son choix par Emmanuel Mouret pour interpréter Jean est des plus judicieux. Le physique et le tempérament de JoeyStarr évitent au personnage de Jean de sombrer dans une certaine mièvrerie et le sentimentalisme. JoeyStarr construit pourtant un personnage d’une grande tendresse, d’une grande douceur. Il est lumineux. Espérons qu’Une autre vie lui donnera l’élan nécessaire pour oser dorénavant explorer de nouveaux territoires.

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