Le 18 mars 2019
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- Festival : Livre Paris 2019
Livre Paris demeure une auberge espagnole où, après tout, Emmanuel Petit n’est qu’à quelques encablures d’Yves Ravey.
Photographie Jérémy Gallet © 2019 aVoir-aLire.com
Notes : Les animaux ont à peine déguerpi du parc à bétail qu’une autre espèce leur succède : l’écrivain. Celui-ci vit dans un monde en crise éditoriale, attend parfois les bras croisés à sa table de dédicace, tandis que son voisin people ne cesse de les décroiser pour serrer des mains, signer des ouvrages, donner des accolades. Ce dernier, dira l’écrivain, n’est pas un auteur, plutôt un imposteur. Si jamais, c’est lui qui rédige ses textes, ajoutera-t-il, perfide.
Quand la foule compacte entoure ce fâcheux, c’est vraisemblablement une vedette : il s’appelle Nikos Aliagas ou Michel Drucker, il vient présenter un ouvrage dont la notoriété passera, comme le café. Qui se rappelle un animateur télé ou radio, dix ans après sa mort ? Qui se rappelle Jacques Martin ?
Parfois, il ne suffit pas d’écrire des bouquins pour faire parler de soi. Il suffit d’avoir un chapeau, avec une ramure en toc façon Jardiland : cet accoutrement singulier ne laisse pas de surprendre une dame, qui reconnaît Amélie Nothomb, sans jamais l’avoir lue. D’ailleurs, quel titre porte son dernier texte ? On ne sait plus. Le temps d’entrevoir un bout de l’ouvrage, on est emporté ailleurs, vers le stand Flammarion où un grand panneau surplombe de potentiels lecteurs : Michel Houellebecq, bras croisés, moue resignée, semble toiser le salon où il ne se rendra pas. A la périphérie de la manifestation, les stands des petites maisons (souvent régionalistes) ou des éditeurs étrangers n’attirent qu’une foule beaucoup plus éparse. Il paraît pourtant que la scène Europe figure au centre de la programmation. Mais Janine Baude, qui dédicace Danubiennes, douze voix féminines de la poésie slovaque, ne peut certes pas lutter contre les dernières confessions textuelles de Muriel Robin.
"Ah, bah, y’a l’autre là, l’humoriste", commente sobrement une dame. Janine Baude ? Non, Muriel Robin. On s’éloigne.
Près de l’entrée, des hommes qui se tiennent droit dédicacent au stand du Ministère des Armées. L’un d’eux, hiératique, attend qu’on lui achète ses oeuvres : Le disparu de l’OTAN ou L’archange contre Daesh. On présume que l’acquéreur ne sera pas ce vieux monsieur désoeuvré, qui se sert un verre de rouge dans le petit périmètre investi par les éditions Fata Morgana.
Photographie Jérémy Gallet © 2019 aVoir-aLire.com
Le centre névralgique, qui est aussi le centre géographique, rassemble ceux qui se partagent les honneurs et les prix : pour la littérature sans images, Actes Sud, Grasset, Gallimard, Albin Michel, entre autres, pour la BD, Glénat, Casterman, les éditions du Lombard.
Livre Paris, ce sont aussi des lieux où, à l’heure de l’auto-édition numérique, on vous propose de devenir auteur en quelques minutes. Ainsi, Kindle Direct Publishing explique, par la voix d’un conférencier, comment construire un récit littéraire autour d’un bon personnage principal. On y apprend que le trait de caractère doit, à certains moments, constituer un atout, à d’autres un défaut. Sur un mur, projeté façon Power Point, le plan de l’intervention : le protagoniste, sa mission, son entrée en action, sa caractérisation. Qu’aurait dit Huysmans, qui fit de Des Esseintes un être figé et de sa maison le vrai héros de l’histoire ? Mais il s’agit d’écrire un best-seller, bien entendu.
Un peu plus en retrait, des écrivains du sud patientent en feuilletant leurs propres livres : ils sont algériens, n’auront pas l’honneur d’être invités sur la grande scène où un débat commence. François Bégaudeau (Verticales) Nicolas Mathieu (Goncourt 2018, Actes Sud) et Joseph Ponthus (La Table ronde) réfléchissent aux rapports entre littérature et réel, évoquent les mécanismes de la violence sociale. A quelques centaines de mètres, les Gilets Jaunes défilent dans les rues de Paris.
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