Autour du tuyau du poêle
Le 11 février 2011
Une comédie prolétarienne voilée de tristesse qui fait entendre l’inimitable musique narusienne.
- Réalisateur : Mikio Naruse
- Acteurs : Den Obinata, Musei Tokugawa, Fumiko Honma, Akira Ubukata, Kaoru Ito
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h05mn
- Titre original : Hataraku ikka - はたらく一家
- Festival : Histoire des grands studios japonais : 4e volet - La Tôhô, Les 15 ans de la MCJP
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– Sortie au Japon : 11 mars 1939
Hataraku ikka (Naruse 1939)Une comédie familiale prolétarienne à forte résonance sociale qui fait entendre l’inimitable musique narusienne : humour jamais souligné et émotion en sourdine.
L’argument :Dans un quartier pauvre de Tôkyô les onze membres de la famille Ishimura peinent à survivre avec les maigres salaires du père, ouvrier typographe, et des trois grands fils. Kiichi, l’aîné, veut quitter son emploi à l’usine pour entrer à l’Ecole d’électricité. La mère proteste : « Tu es égoïste, tu ne pense qu ’à toi. » Le père, plus compréhensif, promet de réfléchir.
Notre avis : Ce trente-septième film de Mikio Naruse, tourné en pleine guerre sino-japonaise, à une époque où les sujets à résonance sociale étaient sous haute surveillance de la censure, est tiré d’un roman de Sunao Tokunaga, représentant de la littérature dite prolétarienne dont l’oeuvre la plus connue est le roman Taiyô no nai machi - Quartier sans soleil (1929), qui sera adapté au cinéma en 1953 par Satsuo Yamamoto.
Hataraku ikka (Naruse 1939)
Le scénario, signé par Naruse lui-même, évite certes de formuler de manière trop explicite des revendications d’ordre politique mais sa description non édulcorée de la vie d’une famille de prolétaires qui peine à joindre les deux bouts est suffisamment éloquente pour le dispenser de mettre les points sur les i. La révolte du fils aîné qui demande qu’on lui laisse au moins tenter sa chance pour sortir de sa condition d’ouvrier d’usine sans avenir résonne haut et fort. Et le semblant de résignation finale, lorsque, s’étant libéré par la parole de la colère accumulée, il paraît disposé à remettre à plus tard l’exécution de ses projets, laisse finir le film sur une note bien amère, renforcée dans la toute dernière scène par les Travaillons ! Travaillons ! exaltés que ses jeunes frères accompagnent de cabrioles frénétiques dans leur chambre à l’étage de la maison. Le plan ultime montrera le regard inquiet des parents, en dessous, qui lèvent la tête, alarmés par ce vacarme.
Hataraku ikka (Naruse 1939)
Mais si une gravité bien perceptible parcourt souterrainement tout le film, incarnée par le regard soucieux du père, personnage étonnant de douceur accablée, prêt à accepter les choix de ses enfants en déclarant : Je vous ai demandé trop de sacrifices, le ton adopté par Naruse est le plus souvent celui d’un humour savoureux, à l’allure bon enfant mais pas inoffensif pour autant.
Les enfants reprochant à leur mère de mettre trop d’oignon dans leurs sandwichs qui empestent le train quand ils vont au travail ou à l’école, le père obligé de déclarer forfait face au devoir d’arithmétique de son fils ou le jeune Eisaku qui préfère dépenser ses deux yens d’économies plutôt que de devoir les prêter à ses parents font immanquablement sourire, mais la pointe d’amertume qui perce sous les facéties des personnages et la drôlerie des réparties donne à l’ensemble sa juste note émotionnelle.
Hataraku ikka (Naruse 1939)Ce film hivernal mais chaleureux avance comme en sourdine, presque sans progression dramatique mais par accumulation de petites scènes ponctuées par des plans de la pendule ou de la ruelle où passe tantôt le veilleur de nuit avec sa lanterne, tantôt les passants courant sous la pluie : les enfants jouent à la guerre en bande dans un terrain vague ; un autre tout seul dans une cour d’école vide ; on ne cesse de se réunir , à la maison ou au café, autour des tuyaux de poêles sans quitter son manteau pour tenir des conciliabules presque entièrement muets.
Quelques années plus tard, dans Okasan - la mère, Naruse retrouvera un sujet et un ton proche de celui de Toute la famille travaille, mais le drame y sera plus présent, fut-ce dans l’ellipse. Le film de 1939 le laisse à distance pour se maintenir dans le registre de la comédie voilée d’un soupçon de tristesse. C’est peut-être plus émouvant encore.
la réédition de 1941 du roman Hataraku ikka illustrée de photos du film.
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