Le 19 juin 2024
Une réussite qui marque l’incursion de Jeff Nichols dans un registre davantage grand public. La narration est efficace et la mise en scène rigoureuse.
- Réalisateur : Jeff Nichols
- Acteurs : Tom Hardy, Norman Reedus, Will Oldham, Michael Shannon, Emory Cohen, Austin Butler, Beau Knapp, Boyd Holbrook, Karl Glusman, Damon Herriman, Toby Wallace, Jodie Comer, Michael Abbott Jr., Mike Faist, Happy Anderson
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Biopic, Film de sport, Policier
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Universal Pictures France
- Durée : 1h56mn
- Âge : Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs
- Date de sortie : 19 juin 2024
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Résumé : Dans un bar de la ville, Kathy, jeune femme au tempérament bien trempé, croise Benny, qui vient d’intégrer la bande de motards des Vandals, et tombe aussitôt sous son charme. À l’image du pays tout entier, le gang, dirigé par l’énigmatique Johnny, évolue peu à peu... Alors que les motards accueillaient tous ceux qui avaient du mal à trouver leur place dans la société, les Vandals deviennent une bande de voyous sans vergogne. Benny devra alors choisir entre Kathy et sa loyauté envers le gang.
Critique : Écrit par Jeff Nichols, The Bikeriders est inspiré d’un livre de photos éponyme, également recueil d’entretiens, publié par le photographe Danny Lyon. Ce dernier, interprété dans le film par Mike Faist, accompagna en observateur les membres d’un club de motards dans la deuxième moitié des années 1960, et avait particulièrement interviewé, en 1973, Kathy, l’épouse de Benny, tête brûlée au visage d’ange. Kathy et Benny sont deux des trois principaux protagonistes de la narration, auxquels il faut ajouter Johnny, le chef de la communauté, qui exerce un pouvoir à la fois attractif et toxique sur ses gars, et indirectement sur le couple de jeunes gens. Après le classicisme de L’équipée sauvage et le mythe Easy Rider, The Bikeriders forme le troisième jalon de la culture des motards vue par Hollywood, à la différence près que Jeff Nichols est davantage dans une perspective historique, ne décrivant pas explicitement l’Amérique actuelle. On pouvait être a priori étonné de voir le cinéaste, auteur indépendant singulier, s’atteler à ce projet. Mais celui-ci n’est en rien une commande de studio (même si Universal semble avoir mis le paquet sur le plan du budget) et l’initiative a vraiment été prise par Nichols, subjugué par l’album de Lyon. Le long métrage s’inscrit même dans la continuité thématique du réalisateur, lui qui a observé les membres d’une certaine Amérique en marge ou tourmentée : délinquants de l’Arkansas dans Shotgun Stories, famille de l’Ohio implosant sous l’influence d’un père névrosé dans Take Shelter, ados du Mississipi confrontés à un danger potentiel dans Mud, couple bravant les interdits raciaux de l’État de Virginie dans Loving.
- Tom Hardy, Austin Butler
- © 2023 Focus Features, LLC. All Rights Reserved.
Ici, le scénario est intéressant dans le sens où il décrit un microcosme qui passe progressivement de la sous-culture à la contre-culture, des motards buveurs de bière aux motards adeptes de drogues dures, puis de la contestation de l’ordre social à la promotion d’un univers anomique. La succession de castagnes, trahisons et meurtres qui caractérisent l’histoire dans son dernier tiers est révélatrice d’un monde en mouvement. Comment d’anciens baroudeurs critiquant la guerre du Vietmam ont pu faire place à des tenants d’un univers valorisant la loi du plus fort, revenant aux travers des débuts de l’exploration du continent américain. On peut même y déceler une radioscopie des prémices de l’Amérique trumpienne, certains des énergumènes à l’œuvre pouvant être les parents des acteurs de l’invasion du Capitole. The Bikeriders peut donc aussi être lu contre une métaphore du risque de néo-fascisme gangrenant les sociétés occidentales. En même temps, l’œuvre revisite avec brio les codes du film de gangsters qui a fait les grands jours du cinéma hollywoodien, du Scarface de Hawks à celui de De Palma, de L’enfer est à lui à Casino. Et Jeff Nichols s’appropriant le biopic en jouant, lui aussi, sur les conventions du flash-back ou de la reconstitution d’époque, bandes musicales à l’appui, n’est pas moins séduisant qu’un Paul Thomas Anderson explorant l’ascension et la chute d’une vedette de cinéma X dans Boogie Nights.
- Jodie Comer, Austin Butler
- © 2023 Focus Features, LLC. All Rights Reserved.
Et ce d’autant plus que le cinéaste est entouré de ses talentueux collaborateurs habituels, tels le directeur photo Adam Stone, le chef décorateur Chad Keith ou la cheffe costumière Erin Benach. Ils contribuent à la beauté d’une mise en scène qui éblouit aussi bien pour les passages intimistes (la séquence où Johnny tente de persuader Benny de prendre le relais, à la suggestion troublante) que pour les scènes d’action, comme ces plans où un cadreur portant une caméra se trouve à l’avant d’une moto, dixit les propos du réalisateur. Deux réserves toutefois empêchent notre adhésion totale à ce film brillant. D’une part, Nichols néglige l’impact du hors champ pour la violence, rendant certains passages difficilement soutenables, et en comparaison desquels Orange mécanique ou Les 8 salopards s’apparentent à des bluettes. D’autre part, la direction d’acteurs a ses limites : Tom Hardy surjoue son caïd avec les pires travers Actors Studio, quand Austin Butler (Elvis), aux faux airs de James Dean et Van Kilmer, manque singulièrement d’épaisseur ; et les minauderies de Jodie Comer (Le dernier duel) surlignent un peu trop la naïveté de son personnage dans la première partie. Mais l’actrice s’en sort mieux au fur et à mesure que Kathy apparaît comme une figure lucide et salvatrice ; et la galerie de seconds rôles est impressionnante, de Michael Shannon (Zipco) à Toby Wallace (The Kid), en passant par Boy Holbrook, Beau Knapp ou Happy Anderson. Au final, The Bikeriders ne devrait pas laisser indifférent et constitue indéniablement un film important de son réalisateur.
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