Superwolf

Malgré ses allures d’ermite bougon, Will "Barberousse" Oldham n’aime pas rester seul : en 2004, après une relecture de ses morceaux avec grand orchestre de country (Greatest palace music), il s’était mis au reggae ou à la house cheap avec les Alabamiens de Brightblack. Dans quelques semaines, on devrait le trouver au rayon hip-hop pour un single concocté avec le champion du slam Sage Francis. Et puis quoi ensuite ? Du mambo ? Un duo avec Emma Daumas ?

Avec Superwolf et ses longues suites d’arpèges de guitare électrique, on ne s’éloigne pas tellement du folk fantomatique des derniers albums du barbu du Kentucky. Le camarade du moment, Matt Sweeney (ancien chanteur du groupe Chavez, passé depuis par Guided By Voices et le projet Zwan de Billy Corgan) a apporté, outre sa voix frêle pour de magnifiques harmonies sur les refrains, une légère touche classic rock période seventies. A se demander même si le final de Goat and ram et ses solos grandiloquents n’ont pas été conçus après une absorption massive de Queen, ou, à la limite, de Muse.

Ce genre de moments d’éclat sont plutôt rares chez Bonnie "Prince" Billy. Méditatif, toujours obsédé par l’angoisse du trépas et de l’abandon ("Je t’ai donné un enfant et tu n’en as pas voulu... Je t’ai donné une maison et tu n’es pas venue la hanter, où vais-je aller vivre maintenant" sur I gave you, entre autres joyeusetés), le chanteur s’en tient le plus souvent à des mélopées en demi-teinte. Ce qui n’empêche pas certaines mélodies de toucher au sublime (Bed is for sleeping) ou certains titres de retrouver l’intensité du chef-d’œuvre de 1999 I see a darkness (My home is the sea, l’un des seuls morceaux rythmés de Superwolf).

L’ambiance recueillie, quasi religieuse qui règne sur Superwolf n’en fait pas un album évident pour les nouveaux venus. D’ailleurs on a l’habitude : cela fait un bout de temps que les chansons d’Oldham ont cet air de psaumes pour culte un rien déviant. Mais les esprits forts sont priés de ne pas faire "croa croa" sur son passage. A force de fréquenter le côté obscur de la musique, Will Oldham a bien dû apprendre un ou deux trucs vaudous. En prenant le fleuve, il n’y a pas si loin du Kentucky jusqu’à la Nouvelle-Orléans.