Schizoid android
Le 1er avril 2004
Quand Will Oldham se repenche sur son œuvre, éloignez les nostalgiques et les oreilles sensibles...


- Artiste : Oldham, Will (Bonnie "Prince" Billy)

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"Une soirée avec Bonnie "Prince" Billy et son orchestre". Franchissant une étape supplémentaire dans l’expérimentation - ou la détestation de soi, Will Oldham propose une nouvelle version aseptisée du meilleur de son œuvre.
A l’origine, l’idée d’un best of des premiers albums de Will Oldham (sortis sous le nom de Palace Brothers, Palace Music, Palace Songs, etc.), réenregistré sous son alias actuel, Bonnie "Prince" Billy. Les fans s’attendaient-ils seulement au traitement qui serait réservé à leurs morceaux favoris, sélectionnés par un suffrage sur Internet ? Le barbu de Louisville, Kentucky enregistre depuis trois albums une musique probablement moins fascinante que la country underground désespérée ou exaltée de ses débuts. Rien toutefois n’annonçait qu’il finirait par s’allier à un orchestre de pointures de la musique nashvillienne, pour une relecture on ne peut plus mainstream de son répertoire.
Rien ne manque, du violon fiddle à la pedal steel, accompagnés de cuivres, cordes et chorales de cowgirls. Le tout très (trop) envahissant. Pour l’Européen lambda, celui qui ne connaît pas par cœur son Gram Parsons ou sa Loretta Lynn, le comble du kitsch est atteint avec Ohio river boat song, complainte désolée devenue trépidante chanson de bal western, le jazzy I am a cinematographer, ou le solo de sax (instrument aussi incongru chez Will Oldham que la flûte de Pan chez les Ramones) de Viva ultra.
Pour l’adepte, déconcerté de voir des bijoux comme New partner enfouis sous quinze tonnes de chantilly, une énigme : coup de provoc post-moderne de Oldham, jouant le grand écart entre ses différentes identités, à la limite de la schizophrénie ? Message aux fans du genre "si vous voulez un best of, z’avez qu’à le faire vous-mêmes" ? Ou moins probable encore, volonté d’être reconnu par l’etablishment country US ?
En attendant de se prononcer, on sauvera du naufrage quelques moments comme No more workhouse blues ou les hantés Horses et Riding, toutefois jamais aussi bouleversants que dans leur version d’origine. Les contrastes dramatiques de la musique passionnée de Will Oldham ont été gommés, mis à plat, édulcorés par la "jolie" orchestration de Mark Nevers, qui a aussi réussi à figer dans l’ennui les derniers albums de Lambchop. Bonnie "Prince" Billy qui revisite Palace Brothers, c’est Sheryl Crow qui reprend Janis Joplin, Dostoïevski réécrit par Paulo Coelho, Lars Von Trier refilmé par Alexandre Arcady. Au mieux, une curiosité, au pire, du gâchis.
Bonnie "Prince" Billy - Greatest Palace Music (Domino/Pias)
Tracklisting :
1 New partner
2 Ohio river boat song
3 Gulf shores
4 You will miss me when I burn
5 The brute choir
6 I send my love to you
7 More brother rides
8 Agnes, queen of sorrow
9 Viva ultra
10 Pushkin
11 Horses
12 Riding
13 West Palm Beach
14 No more workhorse blues
15 I am a cinematographer