Eden au nord
Le 20 octobre 2009
Ni complaisant ni moralisateur, Sin nombre un cri du cœur violent et humaniste sur la réalité de l’émigration clandestine en Amérique Latine et l’activité criminelle des gangs.
- Réalisateur : Cary Fukunaga
- Acteurs : Edgar Flores, Paulina Gaitan, Kristian Ferrer, Tenoch Huerta, Gerardo Taracena
- Genre : Thriller
- Nationalité : Américain, Mexicain
– Durée : 1h36mn
Sin nombre est un cri du cœur, violent et humaniste, sur la réalité de l’émigration clandestine en Amérique Latine et l’activité criminelle des gangs. Ni complaisant ni moralisateur, Cary Joji Fukunaga s’impose comme un cinéaste libre et engagé dès son premier long-métrage.
L’argument : Au Honduras, la jeune Sayra retrouve son père après une longue séparation. Elle va enfin réaliser son rêve, émigrer avec lui et son oncle aux Etats-Unis.
Au Mexique, Casper est membre de la " Mara ", l’un des terribles gangs d’Amérique Centrale. Pour venger la mort de sa fiancée, il tue un chef de bande et prend la fuite. Sur le toit du train qui file vers le Nord, entourés de centaines de candidats à l’émigration, Sayra et Casper se rencontrent. Il fuit son passé criminel, elle espère un avenir meilleur : parviendront-ils à échapper ensemble à leur destin et à franchir la frontière ?
Notre avis : Pour chacun des personnages de Sin Nombre, la fuite apparaît comme la seule alternative à leur vie actuelle, plus semblable à une lutte pour survivre qu’à une existence réelle. Les États-Unis sont le but à atteindre mais ce pays lointain est un Éden dont on ne parle pas, un « paradis artificiel » dont la seule évocation risquerait de transformer le rêve en poussière. En effet, le voyage n’est pas sans risque et évoquer la possibilité d’une vie riche à venir correspond à s’exposer à une déception d’autant plus amère que l’espoir est fort. Dans ce périple, ceux qui atteignent l’Amérique du Nord ne sont pas nécessairement les meilleurs, mais ceux qui ont eu le plus de chance dans leur malheur. Le dernier plan est significatif de cette crainte mêlée de joie : l’héroïne, son but atteint, regarde la caméra les yeux embués de larmes. De joie ? Pas si sûr...
- © Diaphana Films
La parole et le silence ont une place de choix dans le scénario de Sin Nombre. Quel sens donner aux mots quand on quitte son pays pour découvrir une population, certes mondialisée, mais à mille lieues de ses propres conditions de vie, de ses coutumes et de sa langue natale ? Les héros de ce long-métrage ne peuvent exprimer ce qu’ils ressentent, obligés de se cacher : prononcer un mot pourrait les trahir. La pudeur les empêche également de se manifester. Ce n’est pas tant la force physique que morale qui leur permet de traverser l’Amérique latine ; extérioriser leurs sentiments peut être la source de leur échec. La crainte des mots et de ce qu’ils transmettent est palpable, mais lorsqu’ils sont prononcés, ils sont d’autant plus forts qu’ils sont rares : ils prennent réellement sens. Dans la Mara, le gang au cœur du récit, une seule parole du chef engendre une montée de violence à l’encontre de l’un d’entre eux, peut de même provoquer la mort. A l’inverse, c’est aussi parce que le chef n’a jamais dit à Casper, l’un des protagonistes principaux, qu’il avait involontairement tué sa petite amie que le héros l’assassinera de sang-froid, n’ayant jamais pu affronter la situation de front.
- © Diaphana Films
Si les mots sont autant sources de blessures que de libération intérieure, c’est aussi parce qu’aucun des personnages n’a de repères et que les liens familiaux sont difficiles à maintenir. Tous sont en quête de valeurs sur lesquelles s’appuyer et se reconnaître. Certains d’entre eux, en allant aux États-Unis cherchent, non seulement du travail, mais souhaitent également fonder ou consolider une famille, à entrer dans un consensus social stable. Appartenir à une communauté, peu importe laquelle, est un enjeu existentiel pour tous ; se battre pour créer sa place est comparable à un acte de survie. Le jeune Smiley, vivant seul avec sa grand-mère, entre dans l’engrenage cruel et violent d’un gang qui, même s’il le détruit humainement parlant, le fait exister au sein d’un groupe que l’on peut qualifier de fraternel. En effet, son intégration ne peut se faire que par le meurtre. Le sang qu’il fait couler est le signe de son appartenance ; il fait désormais partie de la famille.
- © Diaphana Films
Sin Nombre a obtenu le Prix du Jury au Festival de Deauville 2009 et Cary Joji Fukunaga, le Prix du Meilleur Réalisateur au Festival de Sundance 2009. Avec beaucoup de recul et sans manichéisme aucun, le cinéaste dresse le portrait d’une société en lutte pour sa survie. Les trajectoires des différents personnages sont autant d’illustrations concrètes des alternatives qui s’offrent à la population. Le cinéaste ne se porte aucunement garant d’une situation plus que d’une autre, le libre arbitre est maintenu et c’est exactement parce qu’il y a absence de jugement moral sur les choix des protagonistes que Sin Nombre sonne juste.
- © Diaphana Films
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Norman06 25 octobre 2009
Sin Nombre - La critique
Commencé comme un documentaire social sur la pauvreté et l’immigration, le récit dévie ensuite vers le thriller haletant admirablement monté. Une date dans l’histoire du cinéma mexicain.
’Boo’Radley 21 mars 2010
Sin Nombre - La critique
Voilà le complément parfait au documentaire "La Vida Loca" qui mêle habilement le portrait d’un gang sud-américain au récit du voyage périlleux entrepris par une jeune Hondurienne en route vers la terre promise. Cette combinaison hybride tient en haleine. Mais sur le beau sujet de l’exil, "Sin Nombre" n’a pas la puissance lyrique de "El Norte" qui, vingt cinq ans après, continue de hanter ceux qui l’ont vu.