Le 4 septembre 2018
Truffé de clichés littéraires, le premier roman d’Alexandra Dezzi sonne faux.
- Auteur : Alexandra Dezzi
- Editeur : Editions Léo Scheer
- Plus d'informations : Le site officiel
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Résumé : Le soir où elle emménage dans l’ancien bureau du célèbre écrivain Michel Thomas, tout en haut d’une tour du 13e arrondissement de Paris, Marie-Louise reçoit un appel. Au bout du fil, la voix d’Emmanuel, un journaliste politique omniprésent dans les médias, la ramène deux ans en arrière, lorsqu’ils vécurent une passion dévorante et clandestine. Dans cette histoire d’amour à l’issue incertaine, dans l’angoisse suscitée par les attentats terroristes de l’année 2015, dans les relations d’un soir avec des personnages extrêmes, Marie-Louise semble se perdre. Plus le ciel s’obscurcit, plus la montée du désir s’accentue, l’intensité de l’existence semblant indissociable du chaos qui l’entoure. Et pourtant, une lumière, une sorte de grâce, se dessine au fil des pages...
Notre avis : Ce n’est pas qu’on la déteste, Marie-Louise. Elle cherche le grand amour, elle le trouve en un clic sur Facebook, elle conclut au premier rendez-vous avec un célèbre journaliste. On est content pour elle, après tout. Mais on a l’impression d’avoir vu l’histoire cent fois ou de l’avoir lue au moins tout autant, dans un style qui tache. Comprendre : qui tache partout. Question sobriété, le récit d’Alexandra Dezzi s’avance avec la grâce éléphantesque d’un roman chick-lit. Même incapacité à la sobriété ("les pores de sa peau s’ouvraient à la moiteur de la tente"), même indigence dans l’analyse des sentiments ("elle eut l’impression [...] que leur relation n’existait pas et que, au mieux, elle n’avait été qu’une poupée utile pour s’amuser de temps à autre"), mêmes tics d’écriture que se refilent plus globalement les auteurs des romans de gare hexagonaux, de Michel Bussi à Agnès Martin-Lugand.
On n’en citera qu’un : le monologue intérieur décroché, en italiques, comme une sorte d’aparté qui postule une proximité avec le lecteur ("la fumée s’échappait de ses lèvres après chaque expiration soutenue, comme savamment étudiée. Ne le fait-il pas exprès ?")).
S’il suffisait de s’installer dans le logis d’un auteur pour attraper son talent, il y a longtemps que la file d’attente s’allongerait devant la maison de Jean Echenoz. Mais ce naufrage littéraire nous apprend au moins que, grâce à la correspondance électronique entre un locataire et son bâilleur, une certaine Alexandra Dezzi a investi le studio qu’occupait un certain Michel Houellebecq, lui apprend qu’elle fait une demande d’APL à la CAF et que le 18 novembre 2017, elle attaquera la peinture,
Ces informations, d’un intérêt majeur, sont censées nous livrer la clef de l’histoire, puisque l’héroïne loue elle-même un studio à un célèbre écrivain nommé Michel. Ce n’est plus du récit cousu de fil blanc, c’est du roman tricoté à la corde de chanvre et l’on s’étrangle volontiers à la lecture de nombreuses phrases : "la masturbation, cet espace clos et intime, devenait [...] un petit jardin à arroser chaque nuit", "le frisson du mal pouvait attendre : il n’en était qu’à ses balbutiements". Le problème, c’est que le texte appuie là ou ça fait mal - sur les métaphores -, nous infligeant même l’épreuve du "blanc manteau" neigeux.
Conquérante du sexe, velléitaire en diable, Marie-Louise fait aussi partie de ces gens qui ont vu des djihadistes partout après les attentats de janvier 2015. L’un d’eux est évoqué en quelques traits amalgamants : "Elle se surprenait même à sursauter de l’intérieur quand un garçon d’origine maghrébine, avec un look "banlieusard-muslim" entrait dans la rame de métro ou s’asseyait à côté d’elle". Pour expier ces coupables penchants, que ne renierait pas Riposte Laïque, la célibataire s’entichera du jeune... Cherif, nanti d’une "beauté romantique et caillera". L’individu est essentialisé de manière outrancière : forcément dragueur de discothèque, forcément en "baskets", forcément affublé d’une "tee-shirt moulant" (ne manque plus que la casquette à l’envers). Quant à ses compétences linguistiques, le récit note sèchement : "Elle ne comprenait pas tout son vocabulaire". Ce qui n’empêchera Marie-Louise de s’offrir un petit frisson homonymique en couchant avec lui. Rassurons le lecteur : il est rare que la jeune femme se livre à des réflexions politiques. Et c’est heureux, car leur trop haute fréquence nous aurait un peu décus : "Le principal suspect avait été fiché "S". Ce "S" représentait [...] le mal à l’état pur, celui d’un serviteur de Satan".
A la fin du roman, comme l’intuition d’un résumé, la narration profile ces quelques lignes : "Elle envisageait le tout comme la globalité des possibilités engendrées par le rien. Mais elle savait que le tout était déjà contenu dans le rien".
On ne saurait mieux dire.
Parution : 16-08-2018
Editions Léo Scheer
259 pages, 140 x 205 mm
- Photo : Esteban Wautier (D.R.)
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