Critique  : Le libraire et narrateur, Malcolm, cache des choses. S’il semble ne pas comprendre pourquoi Gwen, une policière, vient le voir chez Old Devils, sa boutique de livres d’occasion, au sujet de sa liste des « huit crimes parfaits », il n’est en réalité pas aussi blanc qu’il ne le laisse entendre… Swanson choisit ainsi de bâtir son roman autour d’une narration peu fiable, Malcolm emmenant le lecteur là où il le souhaite, sans être toujours transparent. Pourtant, cette technique si appréciée depuis quelques temps déjà et Les Apparences de Gillian Flynn, fonctionne mieux quand le narrateur est externe à l’histoire et semble découvrir les éléments de l’enquête en même temps que le lecteur, pas lorsqu’il les dissimule sciemment avec un sourire narquois. Ici, c’est un ressort qui amène le premier à apostropher le second à plusieurs reprises, soulignant plutôt grossièrement les points forts du fil conducteur. Qu’il s’agisse de Gwen, de Malcolm, de feu sa femme ou de ses amis, peu de choses sont révélées à leur sujet, ce qui ne les rend ni sympathiques, ni particulièrement inquiétants, quel qu’ait été l’objectif de l’auteur.
En outre, Peter Swanson ne brille pas par son style, n’étant pas aidé par la traduction qui souligne les répétitions, si fréquentes en anglais, mais généralement contournées en français, – les protagonistes se contenteront ainsi de « dire », « demander » et « répondre », à quelques exceptions près...
Mais, après tout, les aficionados de polars ne recherchent pas forcément une plume hors du commun – même si une bonne intrigue n’est pas incompatible avec des mots bien choisis, comme l’a démontré Hervé Le Corre dans son récent Traverser la nuit. En ce qui concerne l’action, elle avance ici lentement, parvenant à maintenir en haleine. Si l’identité du tueur reste secrète jusqu’à la fin, les raisons qui le poussent à tuer s’avèrent creuses et assez peu crédibles. De plus, quelques incohérences et autres approximations demeurent, parasites qui viennent certes brouiller les pistes, mais aussi alourdir un style déjà peu enlevé.
Ceci dit, reconnaissons à Huit crimes parfaits le mérite de créer une atmosphère non dénuée d’intérêt, notamment grâce aux nombreuses références aux romans policiers qu’affectionne Malcolm, libraire confronté à ces meurtres, rappelant étrangement (et finalement très peu, pour un lecteur lucide) ceux qu’il avait consignés dans sa liste des « huit crimes parfaits », publiée plusieurs années plus tôt sur son blog… Entre l’ambiance et les affaires qui s’imbriquent les unes dans les autres, ce page-turner remplit ses fonctions et reste assez prenant, malgré ses défauts.