Le 13 janvier 2022
Ancré dans une forêt suédoise, au bord d’un lac, ce roman laisse lentement se déployer une ambiance lourde, poisseuse, sans que le final ne puisse être deviné – et il n’en est que plus brillant.
- Auteur : Alex Schulman
- Editeur : Albin Michel
- Genre : Roman
- Nationalité : Suède
- Traducteur : Anne Karila
- Date de sortie : 5 janvier 2022
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Résumé : Benjamin, Pierre et Nils sont venus accomplir les dernières volontés de leur mère : répandre ses cendres dans le lac qui borde leur maison d’enfance, non loin d’une épaisse forêt de sapins comme on en trouve en Suède. Là où, vingt ans auparavant, un drame a changé le cours de leur existence.
Critique : Les phrases d’Alex Schulman, rythmées, créent une véritable atmosphère, entre lac et forêt suédois, repli du monde loin de la ville, une famille tout juste reliée aux autres par un chemin de terre. La fermette de bois rouge se dresse dans cet écrin de verdure, où les effluves montant des verres de vodka disputent l’air aux pins immenses qui ombrent la bâtisse. Trois enfants grandissent dans ce paradis dissimulant pourtant un malaise qui alourdit lentement les pages. L’auteur choisit d’alterner le récit des jeunes années des protagonistes, perçues par le cadet, et le compte-à-rebours de leur retour au décès de leur mère. L’ambiance est lourde, alors que les garçons devenus adultes se retrouvent sur les berges du lac où ils ont failli se noyer, où ils ont pêché, où ils ont joué et ont été heureux, malgré tout, avant l’accident qui bouleversa tout. Avec, en parallèle, leur enfance qui se déroule doucement, le lecteur devine lentement les tensions, le désamour de la mère, le manque d’hygiène – mais ne peut qu’entrevoir les troubles, ignorant idée de la cause. Sans parler de maltraitance, loin de là, se dessinent les contours d’une certaine douleur, d’une négligence, d’un manque d’harmonie dans ce foyer dysfonctionnel. Le choix de la focalisation, unilatérale, est inhabituel et contraste d’autant avec la structure du roman, comme une manière indirecte de réfléchir sur les réflexes de survie, sur les méandres de la mémoire et sur ses zones d’ombre, si nombreuses.
Avec beaucoup d’acuité, l’auteur donne à lire l’évolution des relations entre parents et enfants, alors que dès le début les verres d’alcool s’enchaînent, la mère s’énerve sans raison, plus câline avec Molly, la chienne, qu’avec ses fils, indifférente aux deux benjamins, folle de son aîné malmené par les deux autres. Les années passent, entrecoupées de ces bribes de vies adultes, entre dispersion des cendres en fin d’après-midi et réveil avant l’aube, avant de récupérer l’urne, de retrouver la fratrie. Les caractères s’affirment ou s’estompent, Alex Schulman parvenant à croquer les versions jeunes et moins jeunes de ses héros sans aucune fausse note, à saisir le traumatisme, ses racines et ses ramifications. Si le malaise devient de plus en plus perceptible, ce n’est pas un roman dérangeant pour autant, déconcertant par ces pages à rebours, mais d’autant plus brillamment mené, intelligemment construit, au final grandiose. Il est ainsi compliqué de se détacher des Survivants tant l’ambiance si imperceptiblement, insidieusement poisseuse, englue le lecteur.
Alex Schulman - Les survivants
Albin Michel
140.00 mm x 205.00 mm
304 pages
19,90 euros
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