Road-movie pas road
Le 20 décembre 2006
Les mots semblent insuffisants pour exprimer ce qu’on ressent en voyant ce grand film sur l’amitié masculine. Un moment de cinéma d’une infinie beauté.
- Réalisateur : Alexander Payne
- Acteurs : Paul Giamatti, Marylouise Burke, Thomas Haden Church, M. C. Gainey
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Fox Pathé Europa
– Durée : 2h04mn
Les mots semblent insuffisants pour exprimer ce qu’on ressent en voyant ce grand film sur l’amitié masculine. Un moment de cinéma d’une infinie beauté.
L’argument : Deux amis, à l’approche de la quarantaine, décident de partir faire la route des vins en Californie. L’un est un écrivain raté et vient de divorcer ; l’autre, acteur de séries hollywoodiennes, est à une semaine de son mariage avec une riche héritière. De cave en cave, de bar en bar, ils vont savourer cette semaine charnière, où leur amitié sera mise à rude épreuve.
Notre avis : Il est de ces films rares qui vous cueillent et tissent avec vous un lien affectif durable et puissant. Sideways, dernier long métrage d’Alexander Payne, en fait partie. Sur deux heures de bobine, cette histoire d’amitié nous met sens dessus dessous avec une franchise, une justesse et une émotion qui tranchent avec tout ce qu’on voit actuellement dans les salles. D’autant qu’au départ, l’histoire de deux hommes qui partent faire la route des vins ensemble pour goûter au plaisir du grand air n’inspire guère. Signalons enfin, histoire de définitivement plomber l’ambiance, que le road-movie est un genre mal fréquenté où généralement nos cinéastes obligatoires nous donnent à voir des lourds parcours initiatiques lestés de personnages inexistants et de situations artificielles. Il n’en est heureusement rien ici.
Miles (Paul Giamatti) et Jack (Thomas Haden Church) sont potes. Ils n’ont pas la même conception de la vie. Ça ne les gêne pas pour autant : cette complémentarité est ce qui fait la richesse de leur amitié. L’un est superficiel, instinctif, fêtard ; l’autre profond, réfléchi, déprimé. La grande réussite de ce film se trouve précisément dans tout ce qui est suggéré. Alexander Payne parvient avec une grâce miraculeuse, un peu comme Sofia Coppola l’an passé avec son Lost in translation, à faire affleurer l’essentiel en se reposant uniquement sur l’art de l’ellipse. Chaque scène révèle un état d’âme, un frisson érotique, un fragment de bonheur. Chaque plan est habité d’une étrange universalité, d’une impression de flottement, de déjà-vu, de morosité, d’absurdité. Un passage sublime de séduction montre Miles et Maya (incarnée par Virginia Madsen) qui se reluquent maladroitement, s’aimantent, se regardent du coin de l’œil, s’aiment en secret mais possèdent tellement de blessures infimes qu’ils n’osent pas faire le premier pas. Ils se laissent donc le temps de se séduire.
On connaissait le travail d’Alexander Payne (Monsieur Schmidt, L’arriviste) mais on ne s’attendait pas à voir un film aussi abouti et bouleversant. Sideways déride les maxillaires (la scène du porte-feuille) et stimule l’affect lacrymal (le message sur le répondeur) avec une régularité réjouissante. La mise en scène, le sens du cadre, la photo ajoutent à l’atmosphère presque aérienne. L’interprétation d’ensemble dépasse l’excellence mais Paul Giamatti défie, lui, les superlatifs. Ecrivain raté qui ne croit plus en rien, auteur d’un roman refusé par les éditeurs parce que trop subtil pour le monde tel qu’il est, il traîne d’un bout à l’autre une mauvaise mine, une mauvaise humeur mais rien n’est plus beau que le sourire discret qu’il arbore en bras d’honneur à la normalité, aux bien-pensants, à l’ironie de la vie. Et son sourire est triste, désabusé, mélancolique, superbe. A l’image du film.
Le DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Aucun bonus dans cette édition ne se détache des autres. Le commentaire audio est vain, les scènes coupées l’ont été à raison et la visite des Coulisses ne durent que six petites minutes. Allez comprendre pourquoi il a été décidé de cacher les trois bonus les plus sympas : des photos du tournage, un bêtisier, et un sujet décalé sur le tournage.
Image & son : Une désagréable surprise avec l’image puisque l’éditeur Fox Pathé Europa soigne généralement ses masters. Dans cette édition, on constate une piètre qualité, composée de flous et de contrastes bien ternes. C’est regardable certes, mais c’est aussi chatoyant qu’un Derrick. Rien à dire en revanche sur le son, qui met intelligemment en avant les dialogues.
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minime 21 avril 2007
Sideways
“queen”
Deux quadras sont sur un bateau, l’un vient de divorcer, l’autre va se marier, les deux font la route du vin, qui va tomber ?
Si « Sideways » est bien une croisière, elle ne se fait pas en bateau mais en voiture, sur la route des vins de Californie (donc). Sideways est un roadmovie en même temps que le parcours initiatique de deux hommes à la croisée des chemins. Miles /Paul Giamatti, écrivain en quête d’éditeur, mal remis de son divorce et Jack/ Thomas Haden Church, acteur de série télé sur le déclin, voix off de pub et bientôt marié se confrontent à leurs doutes le nez dans les meilleurs vins de Californie.
Mais Sideways n’est pas un mélo balourd, Alexander Payne nous la joue comédie désenchantée enrobée de deux tranches de rire (ah la scène loufoque où le mari trompé court nu derrière Miles !). Même au pire du questionnement, Payne sait nous faire rire des petites lâchetés masculines (le faux accident de voiture pour couvrir le vrai adultère) ou des réactions, disons un peu violentes, d’une femme trompée (quand Maya/Virginia Madsen roue de coups de casque de moto ce pauvre Jack).
La force de Sideways, c’est son équilibre, ni trop noir ni trop rose, ni trop mou ni survolté. Sa (relative) faiblesse, c’est ce ronronnement pépère. Le tout est relevé par une bande originale sympathique. Comme le film.