Genèse, révélation
Le 1er avril 2004
La surprise venue de New York. Un chef-d’œuvre de pop acoustique, modeste et envoûtante.


- Artiste : Stevens, Sufjan

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Dans un envoûtant mélange de ballades folk minimalistes et de visions mystiques, un quasi inconnu fait voler en éclats les préjugés sur la musique chrétienne et le banjo. Rude mission.
Après trois albums, dont le dernier consacré à son Etat natal (Greetings from Michigan), le jeune New-Yorkais Sufjan Stevens n’est jamais allé si loin dans le dépouillement que sur Seven swans, où le banjo se taille une part de roi. Mais si cet instrument n’évoquait pour vous que les terrifiants climats redneck de Délivrance ou les poursuites rocambolesques de Shérif fais-moi peur, vous serez surpris dès les premières notes de All the trees will clap their hands. Le curieux arrive tout de suite en terre étrange, accueilli par un motif minimaliste, auquel s’ajouteront tour à tour la voix frêle de Stevens, puis chœurs, batterie et piano : au final plus un mantra qu’une ballade country classique.
Pas hindouiste pour autant, Seven swans est une exploration de sujets religieux chrétiens, comme les titres l’indiquent (de Abraham à The transfiguration). Autant dire que si l’on n’était pas déjà fan de Johnny Cash, des mormons de Low ou de la déjantée Danielson Family (dont le leader Daniel Smith a produit Seven Swans), on aurait des raisons d’avoir peur, hantés par des images de guitaristes pro-Bush chantant l’abstinence ou l’interdiction de l’avortement.
Parentes de la pop-folk intimiste de Cat Power, de Joseph Arthur ou du regretté Elliot Smith (To be alone with you ou Size too small) les ballades de Sufjan Stevens feraient au final craquer - sans le convertir - le militant mécréant le plus endurci. Et, encore plus fort, le fan d’électro qui appréciera les moments de tension, les breaks soudains échappant aux schémas traditionnels de la folk, la répétition de motifs et l’accumulation de couches d’instruments (batteries cheap, synthés fantomatiques). Avec leurs lignes de guitares subtiles, et leurs rythmes complexes, A good man is hard to find ou He woke me up again se paient même le luxe de rappeler un Radiohead version deep South. Sommet de l’album, Seven swans est une sublime cousine de Pyramid song où les visions de pyramides volantes de Thom Yorke sont remplacées par celles de cygnes annonciateurs de l’Apocalypse, et dont la tension se libère dans un final irréel baigné de chœurs et de pianos. La fin du monde version Sufjan Stevens ressemble plus à un concert de Sigur Rós qu’aux effroyables prévisions de Michel-Ange.
Sufjan Stevens - Seven swans (Sounds Familyre/Rough Trade/Pias)
Tracklisting :
1 All the trees of the fields will clap their hands
2 The dress looks nice on you
3 In the devil’s territory
4 To be alone with you
5 Abraham
6 Sister
7 Size too small
8 We won’t need legs to stand
9 A good man is hard to find
10 He woke me up again
11 Seven swans
12 The transfiguration