Toutes griffes dedans
Le 21 février 2003
Sixième album de Cat Power, alias Chan Marshall, égérie du rock indépendant américain.
- Artiste : Cat Power
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Après le bien nommé The Covers Record (2000), album de reprises enregistré dans l’urgence, Chan Marshall revient aux affaires courantes avec un disque faussement apaisé.
Dans la famille néo-folk, je voudrais la marraine. Et je suis gâté cette année, après avoir passé mes longues soirées de janvier en compagnie du parrain Will Oldham/Bonnie Prince Billy, voilà qu’aujourd’hui l’égérie du rock indépendant américain donne enfin à écouter ses nouvelles compositions (les dernières remontant à 1998 et à l’album Moon Pix). Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles ne déçoivent pas.
Autrefois enfermée dans des travers forcément réducteurs (arrangements brouillons, thèmes post-adolescents parfois trop naïfs), la musique de Cat Power semble avoir trouvé sur ce sixième album un équilibre nouveau et salvateur. Les arrangements restent minimes mais ont gagné en variété, en précision et donc en impact (les cordes de Werewolf, les glissés sur la guitare de Free). Les textes se rapprochent de l’équation gagnante "personnel = universel", notamment sur les magnifiques ballades que sont Good Woman ou Fool, simplement portées par une voix toujours à fleur de micro et soutenue par de frêles accords de guitare. Certes, il reste des traces des écueils passés (la sinistre et scolaire énumération de Names par exemple) et le disque ne convainc pas toujours dans sa longueur (14 chansons du même format, un brin monotone).
Mais l’essentiel est ailleurs. Chan Marshall réussi ici à conserver la force brute et tendue de sa musique tout en donnant l’impression de s’être libérée de son incarnation de prêtresse lo-fi qui semblait la gêner aux entournures. Ainsi, You Are Free prend tout son sens sur Free, Maybe Not et surtout sur le sublime morceau d’ouverture I Don’t Blame You. A eux seuls, ces trois titres justifient l’écriture, et procurent un sentiment paradoxal (et donc riche) d’apaisement et de rage intérieure, désormais marque de fabrique de Cat Power. Et même le Pearl Jam Eddie Vedder ne parvient pas à ruiner l’édifice, mettant sa voix caverneuse au service d’ Evolution, ballade délicate au piano qui conclut l’album et laisse l’auditeur béat d’admiration, avec une seule envie : remettre le disque au début.
You Are Free se révèle être ainsi un album imprégné d’une riche dualité : amèrement doux, délicatement âpre. Un disque enfin à l’image de son auteur ?
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