Comment vivent-ils ?
Le 7 juin 2015
La vision de la pauvreté au début du vingtième siècle au travers d’un passionnant programme associant spectacles de lanterne magique et courts - métrages (documentaires et fictions). Indispensable pour les historiens comme pour les cinéphiles.
- Réalisateurs : David Wark Griffith - Ferdinand Zecca - Louis Feuillade - Albert Capellani - Yves Mirande - George O. Nichols - Percy Nash - George Monca - George W. Pearson - Georges Denola
- Acteurs : Charles Prince, Polaire, Jeanne Delvair, James Cruze, Clément Abélard (Mary) alias Bébé
- Genre : Comédie, Drame, Documentaire, Film muet
- Nationalité : Américain, Britannique, Français, Allemand, Italien, Danois
- Editeur vidéo : filmmuseum
- Durée : 5h00mn
- Plus d'informations : http://www.choses-vues.com/blog/201...
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La vision de la pauvreté au début du vingtième siècle au travers d’un passionnant programme associant spectacles de lanterne magique et courts - métrages (documentaires et fictions). Indispensable pour les historiens comme pour les cinéphiles.
Le programme :
Le thème de la pauvreté abordé sous différents angles :
– Slum-Ausflüge / Slumming (allons voir comment c’est chez les pauvres)
– Kinder im Elend - Children in Misery (Enfants dans la misère)
– Kinderarbeit - Child Labour (Enfants au travail)
– Wohltätigkeit und Fürsorge - Charity and Social Care (Bienfaisance et assistance sociale)
– Trunksucht und Mäßigungsbewegung - Drink and Temperance Movement (Lutte contre l’alcoolisme)
– Gefahren der Lohnarbeit - Perils of Wage Labour (Les dangers du travail salarié)
– Auswege - Escape (Echappatoires)
Les films :
Slum-Ausflüge / Slumming (allons voir comment c’est chez les pauvres) :
– The Magic Wand GB 1889, 6′ (lanterne magique)
– Comment les pauvres mangent à Paris FR 1910, 4′, film Pathé
Un documentaire, à l’évidence mis-en-scène, où on voit notamment des pauvres acheter les restes d’un grand restaurant.
– Le Violoniste della carità IT 1911, 10′, film Cines
Un remarquable petit film au ton léger mais au regard acéré montrant deux jeunes femmes de la bonne société prenant la place de pauvres violonistes. Elles remportent un franc succès mais se retrouvent au poste de police.
– La tournée des Grands Ducs FR 1910, 10′ , film Pathé d’ Yves Mirande.
Cette comédie est une des perles du programme. Elle se moque des grands bourgeois qui viennent s’encanailler dans le quartier des Halles, assistant dans un bouge à une étonnante danse apache exécutée, avec un partenaire, par la danseuse Polaire (qu’on retrouvera notamment dans Le Friquet de Maurice Tourneur en 1913) et à une rixe suivie d’une descente de police. Après le départ précipité des bourgeois affolés, les acteurs (apaches et policiers) reprennent leurs habits de ville et se saluent avant de rentrer tranquillement chez eux. La mise en scène est simple et efficace, parvenant très bien à faire ressentir le frisson qu’éprouvent les bourgeois en mal d’émotions fortes.
Kinder im Elend - Children in Misery (Enfants dans la misère) :
– Ora Pro Nobis GB 1897, 6′ (lanterne magique)
– Le Bagne des gosses FR 1907, 11′, film Pathé
Une vision sans concession et non dénuée d’âpreté réaliste du sort des orphelins. L’interprétation est remarquable et évite la sensiblerie. La mise en scène (anonyme) est efficace, en particulier dans la séquence du vol à l’étalage dans une boulangerie (l’homme qui passe sans rien dire à côté du garçon dévorant son pain et, croisant le boulanger sur la route, s’empresse le lui indiquer l’endroit où il a vu le voleur). Une des révélations majeures du programme.
– Bébé veut imiter St. Martin FR 1910, 6′ , de Louis Feuillade.
Un des nombreux films de la série Bébé. Le petit Clément Abélard (alias Clément Mary) cabotine à l’envie mais le regard perplexe des deux pauvres, père et fils, qui sont l’objet de son maladroit élan de générosité introduisent une distance bienvenue. La patte du grand Feuillade est bien reconnaissable.
– Billy’s Rose GB 1888, 8′ (lanterne magique)
Kinderarbeit - Child Labour (Enfants au travail :
– The Cry of the Children US 1912, 28′, de George O. Nichols
Le film le plus long du programme est aussi un peu longuet et n’évite pas le misérabilisme larmoyant. Mais sa description des conditions de vie et de travail des ouvriers d’une manufacture (adultes et enfants) ne manque pas de vigueur réaliste. L’égoïsme des nantis (la dame du monde qui veut adopter la jolie petite fille pauvre mais la rejette d’un air de dégoût lorsqu’elle est enlaidie par le travail à l’usine) y est clairement pointé du doigt et la conclusion réconciliatrice ne trompera personne.
– The Little Match Girl US 1905, 9′ (lanterne magique)
– The Little Match Girl GB 1914, 10′, de Percy Nash.
Une illustration émouvante du conte d’Andersen qui contient quelques beaux trucages (les visions de la fillette lorsqu’elle gratte les allumettes).
Wohltätigkeit und Fürsorge - Charity and Social Care (Charité et assistance sociale) :
– Le Chemineau FR 1905, 6′ d’Albert Capellani.
Huit ans avant Les Misérables Albert Capellani adapte un chapitre du roman de Victor Hugo, celui du vol des chandeliers chez Monseigneur Myriel. Admirable mise en scène spatiale des déplacements d’acteurs dans de remarquables décors de studios et direction d’acteurs tendue : l’art de ce très grand cinéaste est déjà là tout entier dans son premier film (malheureusement incomplet).
– Rigadin a l’âme sensible FR 1910, 9′ de George Monca.
Une satire amusante mais assez inoffensive de la générosité aveugle et des pauvres profitteurs avec Prince, une de plus grandes stars comiques du cinéma d’avant 1914.
– In the Workhouse GB 1890, 7′ (lanterne magique)
– Christmas Day in the Workhouse GB 1914, 14′, de George W. Pearson.
Solide illustration d’une ballade célèbre qui pointe les carences des organisations caritatives aux règles inflexibles et la charité condescendante des riches.
– Ahlbeck. Der Kaiser bei den Berliner Arbeiterkindern DE 1912, 2′
Actualité d’époque montrant Guillaume II en représentation visitant un centre de vacances pour enfants d’ouvrier sur l’île d’Usedom crée à son initiative.
(Le Chemineau)
Trunksucht und Mäßigungsbewegung - Drink and Temperance Movement (Lutte contre l’alcoolisme), un thème particulièrement prisé :
– Manchester Band of Hope Procession GB 1901, 2′
Une des fameuses bandes Mitchell and Kenyon, les Lumière anglais, qui nous laissent une somme de témoignages inestimables sur les périodes victoriennes et édouardiennes.
Un plan fixe de deux minutes filmant de très près le défilé d’une organisation de lutte contre l’alcoolisme : les visages avancent vers la caméra avant de sortir du cadre par la gauche : saisissant.
– Enter not the Dramshop GB 1890, 5′ (lanterne magique)
– Les Victimes de l’alcoolisme FR 1902, 6′, de Ferdinand Zecca
Inspiré de L’assommoir de Zola, une série de tableaux édifiants remarquablement mis en scène et interprétés (même si l’inévitable scène de délirium tremens n’évite pas le ridicule).
– Une vie gaspillée - Ein vergeudetes Leben DK 1910, 8′
Cette production danoise , préservée dans une copie d’exploitation française et dont on n’a même pas pu retrouver le titre original, constitue la révélation majeure du programme et confirme l’incroyable modernité qui caractérise les films réalisés à Copenhague autour de 1910. Sens infaillible de l’espace, ancrage réaliste très fort, acteurs qui ne donnent jamais l’impression de jouer, effets spectaculaires amenés avec assurance mais absence totale de sensiblerie et de ton moralisateur, mise en scène (anonyme) sèche et élégante qui rend le drame poignant. Un chef d’oeuvre.
– Buy Your Own Cherries ! GB 1905 (lanterne magique)
– Buy Your Own Cherries ! GB 1904, 5′
Conte moral (et moralisateur), illustrant les vertus de l’abstinence.
– Dustman’s Darling GB 1894, 5′ (lanterne magique)
– A Drunkard’s Reformation US 1909, 15′ de D. W. Griffith
Bel exercice, typiquement griffithien, d’interaction dramatique entre la scène de théâtre, où on représente une pièce sur les méfaits de l’alcoolisme, et la salle, où un jeune père de famille tenté par la bouteille ouvre les yeux et guérit de son vice à la vue du spectacle aux vertus cathartiques.
Gefahren der Lohnarbeit - Perils of Wage Labour (Les dangers du travail salarié) :
– A Bunch of Primroses GB 1889, 8′ (lanterne magique)
– Au pays noir FR 1905, 14′ de Ferdinand Zecca
Bien que tourné pour l’essentiel dans de (superbes) décors de studio (dont l’un exploré par un magnifique mouvement de caméra circulaire qui suit les déplacements des personnages), ce reportage social sur le travail et les dangers de la mine impressionne par son sens du spectaculaire, le soin apporté au moindre détail de la reconstitution et son réalisme remarquable. Précédant de huit ans Germinal, le chef d’oeuvre de Capellani, il soutient fort bien la comparaison.
– Die Beerdigung der Opfer des Grubenunglücks auf der Zeche Radbod DE 1908, 6′
Un remarquable document brut qui filme l’impressionnant cortège funèbre accompagnant les victimes d’une catastrophe minière près de Halle.
– Don’t Go Down in the Mine, Dad GB 1910, 5′ (lanterne magique)
Auswege - Escape (Evasion) Les différents moyens d’échapper à la misère :
– The Two Roses US 1910, 12′
Un mélodrame édifiant et un peu niais qui prône la réconciliation sociale sous le signe de la générosité et qui distingue les bons pauvres des mauvais (le maître chanteur lui aussi porteur d’une rose). Mais un indéniable réalisme documentaire (plans du chantier du chemin de fer) donne néanmoins une certaine vigueur au film.
– Deux petits Jésus FR 1910, 17′ de Georges Denola
Un impressionnant mini-drame naturaliste tourné pour l’essentiel en extérieurs (une scène étonnante sur le Pont Neuf) qui frappe par la sureté et l’élégance de sa mise-en-scène et la vigueur de son interprétation (notamment celle de Jeanne Delvair de la Comédie Française) . L’autre révélation majeure de l’ensemble (avec le film danois).
– The Emigrant Ship GB 1890, 13′ (lanterne magique)
– Geheimnisvolle Streichholzdose - la boite d ’allumettes magique DE 1910, 5′
Pour finir sur une note légère un petit film allemand qui associe l’animation (des allumettes magiques qui dessinent toutes sortes de figures) à une introduction montrant un cul de jatte vendant ses boites au passant.
Le DVD >br>
Le passionnant coffret de deux DVDs édité par Filmmuseum est disponible en France auprès de Choses vues .
Les suppléments
Après avoir lu le remarquable livret (en allemand et en anglais) on se précipitera sur la partie CD-ROM qui regorge de documents précieux et de première main : articles de presse et matériel publicitaire d’époque, textes des poèmes utilisés pour les spectacles de lanterne magique, magnifiques photos. Les sous-titres du DVD sont eux aussi en anglais ou en allemand mais plusieurs films ont des intertitres français.
Image
Une note moyenne : certaines copies, souvent teintées, sont admirablement conservées et restaurées et émerveillent par leur splendeur visuelle. D’autres sont dans un état plus précaire. Mais le report est excellent et les couleurs des plaques de lanterne magique sont éclatantes.
Son
Un Dolby Digital 2.0 de très bonne qualité permet d’apprécier les accompagnements musicaux variés et les commentaires qui nous plongent dans l’atmosphère des salles de spectacle du début du vingtième siècle.
Galerie Photos
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