Guet-apens quai de Bercy
Le 6 novembre 2010
Le deuxième volet de la série mythique fascine par le prodigieux sens de la mise en scène de Feuillade et l’intrusion d’un réel incontrôlable dans l’univers totalement improbable du feuilleton criminel.
- Réalisateur : Louis Feuillade
- Acteurs : René Navarre, Edmond Bréon, Georges Melchior , Renée Carl , Yvette Andreyor
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Film muet
- Nationalité : Français
- Date de sortie : 12 septembre 1913
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– Durée : 1h05mn
Le deuxième volet de la série mythique fascine par le prodigieux sens de la mise en scène de Feuillade et l’intrusion d’un réel incontrôlable dans l’univers totalement improbable du feuilleton criminel.
L’argument : L’inspecteur Juve et le journaliste Fandor retrouvent la trace de Fantômas, alias Gurn, alias le docteur Challek. Celui-ci dépouille un marchand de vins dans le Paris-Lyon-Marseille avec la complicité de Joséphine la Pierreuse et provoque une catastrophe ferroviaire pour effacer les traces du forfait.
Fantômas tente vainement de supprimer Juve en lui tendant un guet-apens entre les tonneaux sur les quais de Bercy, puis en faisant pénétrer dans sa chambre l’exécuteur muet, un boa constrictor.
Vêtu d’un collant noir et d’une cagoule, il échappe une nouvelle fois à ses poursuivants en se cachant dans une citerne, avant de faire exploser la villa de lady Beltham, causant apparemment la mort de Juve et de Fandor. Mais sont-ils vraiment morts ?
Notre avis : Ce drame en quatre parties et 46 tableaux est le deuxième des cinq films que Louis Feuillade réalisa pour la Gaumont d’après la série à succès de Pierre Souvestre et Marcel Allain (30 volumes publiés à raison d’un par mois chez Arthème Fayard de février 1911 à septembre 1913). Le premier volet fantômas - A l’ombre de la guillotine était sorti le 9 mai 1913. Suivront : Le mort qui tue (28 novembre), Fantômas contre Fantômas (13 mars 1914) et Le faux magistrat (8 mai 1914).
On retrouve dans Juve contre Fantômas (12 septembre 1913) tout ce qui fait le charme irrésistible de l’ensemble : intrigue rocambolesque défiant toute vraisemblance et accumulant changements d’identités et coups de théâtre ; folklore délicieusement suranné du Paris de 1913 (le bal Tabarin à Montmartre, apaches et pierreuses), humour et deuxième degré sans cesse contredits par le sérieux imperturbable du traitement ; jeu très moderne des acteurs qui accomplissent des exploits physiques (comme escalader une grille ou sauter d’un train en marche) mais ne cherchent jamais à donner une épaisseur psychologique à leur personnage, permettant à celui-ci de conserver tout son mystère. Rien ne distingue d’ailleurs réellement les bons des méchants et leur affrontement tient plus de la rivalité sportive que du combat moral.
On retrouve surtout le prodigieux sens du cadrage et de la durée du plan qui est la marque du génie de Feuillade dès ses premiers courts-métrages (en 1906) et qui continue d’hypnotiser le spectateur d’aujourd’hui. En effet le cinéaste sait comme personne capter la singularité d’un décor, de préférence en extérieur et préexistant au tournage (les rues de Paris, la Gare de Lyon, le jardin de la villa), et nous donner la sensation que ce qui est étalé sous nos yeux recèle pourtant un mystère, un double-fond. C’est ce réalisme halluciné, plus encore que l’apologie du criminel, qui fascina les surréalistes et que la distance temporelle rend plus captivant que jamais.
Toutes les scènes de rues sont extraordinaires, laissant entrer l’imprévu : passants qui regardent l’objectif, omnibus qui obstrue une partie du plan. Cette intrusion d’un réel incontrôlable, bien loin de faire ressortir le caractère improbable des personnages et des rebondissements de l’intrigue, permet au contraire de les rendre indiscutables et fait exister à l’écran un univers à la fois familier et totalement étrange au charme ensorcelant.
Magie du cinématographe : on n’oublie pas de sitôt l’apparition de Joséphine la Pierreuse (Yvette Andréyor) au pied de la station de métro aérien (ligne 2), et son échange furtif avec l’apache (Fantômas) au milieu du va-et-viens de la foule, sous le regard de Fandor, caché dans le plan. La scène suivante, lorsque le journaliste file la jeune femme et qu’ils s’observent subrepticement dans la rame quasiment vide est encore plus intriguante : rien ne permet de savoir si elle a percé à jour son manège.
Participer comme spectateur à ce jeu dont les règles, pourtant clairement exposées, ne cessent de nous échapper, et nous perdre dans l’univers surréel du Fantômas de Feuillade est une des plus belles aventures auquel le cinéma nous convie. Nombreux sont ceux qui essayeront d’en retrouver la formule magique, rares seront ceux qui y parviendront : Franju (Les yeux sans visage, Judex, Nuits rouges) ; Arrieta (Les intrigues de Sylvia Couski) ; qui d’autre ?
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