Les soeurs masquées
Le 11 juin 2010
Masques, acrobaties et féminisme. Un immense cinéaste méconnu d’avant la Première Guerre Mondiale : Franz Hofer.
- Réalisateur : Franz Hofer
- Acteurs : Ernst Pittschau, Manny Ziener, Mia Cordes, Paul Meffert
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Film muet
- Nationalité : Allemand
- Durée : 35mn
- Titre original : Die schwarze Kugel oder Die geheimnisvollen Schwestern - La boule noire ou Les soeurs mystérieuses
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– Sortie en Allemagne : 26 octobre 1913 (Allemagne)
– Tournage : Luna-Film-Atelier, Berlin
Masques, acrobaties et féminisme. Un immense cinéaste méconnu d’avant la Première Guerre Mondiale : Franz Hofer.
L’argument : Les artistes de music-hall Edith et Violetta jurent de venger leur soeur Gussi, qui s’est suicidée à la suite d’un chagrin d’amour. Le vicomte Giron s’éprend de Violeta. Edith découvre que c’est lui qui est responsable de la mort de Gussi. Elles décident que celle des deux qui, à la fin de leur numéro de jongleuses, aura dans sa main la boule noire devra lui demander raison....
- Die schwarze Kugel - Franz Hofer 1913
Notre avis : On découvre depuis quelques années l’incroyable richesse du cinéma wilhelminien, c’est à dire du cinéma allemand d’avant 1918, l’ époque de Guillaume II (Wilhelm II.). Franz Hofer (1882-1945) en est peut-être le représentant le plus talentueux à en juger par les quelques films qui nous sont parvenus : Die schwarze Natter, Der Steckbrief, Weihnachtsglocken, Fräulein Piccolo...
Die schwarze Kugel, Sensationsdrama - drame à sensation tourné en 1913, est particulièrement étonnant. Il s’agit d’une histoire de vengeance dont les protagonistes sont deux soeurs, artistes de Music-hall, qui apparaissent souvent masquées et exécutent, sur fond noir, de superbes numéros de cirque, jonglant avec des torches ou des boules blanches. Peut-être les actrices sont elles doublées, sous leurs masques, par de véritables artistes de cirque, mais le spectateur ne peut pas l’affirmer.
Nous sommes dans le monde du spectacle et le mode de narration obéit au règles de cet univers là. Souvent on montre quelque chose au spectateur en très gros plan : une boule blanche trempée dans de la teinture noire, les pages de l’album photos cataloguant les conquêtes féminines du vicomte, le bouton qui débloque la porte secrète... Des rideaux qui s’ouvrent et se ferment ponctuent le déroulement de l’intrigue. De surprenants mouvements latéraux découvrent tout à coup un personnage ou un élément jusque là invisible : l’infirmière qui apporte la lettre de la soeur morte par exemple. Montrer, cacher : tout le film est placé sous ce mot d’ordre.
- Die schwarze Kugel - Franz Hofer - 1913
La variété des plans et le découpage extrêmement serré sont exceptionnels pour un film de cette époque, dépassant ce qu’on a pu voir chez Griffith, Bauer ou les danois. Et pourtant cette efficacité conserve à chaque instant la magie d’une première fois.
Le jeu très retenu des acteurs évite toute psychologie, eux aussi sont là pour montrer et non pas pour s’identifier aux personnages. Les deux soeurs, combattantes de la cause des femmes, gardent d’un bout à l’autre, des visages de sphinx.
Les décors naturels sont admirablement photographiés, en particulier lors d’une séquence de course poursuite sur le toit d’une usine tout à fait époustouflante. Les intérieurs sont également très travaillés et chargés de sens : la villa du vicomte est un labyrinthe décadent d’objets hétéroclites, plein de chausse-trappes, de cachettes secrètes, de passages dérobés.
Mais pas plus que les personnages, le décor n’est soumis aux lois narratives comme il le sera bientôt dans le cinéma classique. Chaque élément apparaissant sur l’écran garde son autonomie et son mystère, échappant à l’interprétation. C’est au spectateur d’associer et d’interpréter un réel qui ne se laissera pas domestiquer totalement. Une part de sens restera en suspens.
- Die schwarze Kugel - Franz Hofer - 1913
C’est donc un grand moment de cinéma non pré-mâché auquel nous convient les trois actes de Die schwarze Kugel, qui filent en 35 minutes sans nous laisser le temps de souffler. Leur richesse et leur vivacité est telle que plusieurs visions n’en épuisent pas l’attrait et le mystère. Bien des chef d’oeuvres ultérieurs paraitront vieillots à côté de ce joyau à l’inusable modernité.
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