Oiseaux blancs apeurés
Le 6 décembre 2014
Complots sur la Côte d’Azur dans ce merveilleux sérial en 12 épisodes du grand Feuillade.
- Réalisateur : Louis Feuillade
- Acteurs : Edouard Mathé, René Cresté, Mary Harald, Louis Leubas, Georgette Faraboni, Gaston Michel, Émile André, Marcel Marquet, Rosette Lugane
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Aventures, Espionnage, Film muet
- Nationalité : Français
- Durée : 6 à 7 heures selon les versions
- Date de sortie : 7 février 1919
- Plus d'informations : http://www.gaumont.fr/fr/film/tih-m...
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Complots sur la Côte d’Azur dans ce merveilleux sérial en 12 épisodes du grand Feuillade.
L’argument : Sur la Côte d’Azur, une bande d’espions, dirigés par Kistna, essaye de s’emparer du mystérieux document 29 rapporté des Indes par Jacques d’Athys. Ils ne tardent pas à enlever sa fiancée, Tih Minh, qu’il a rencontré en d’Indochine et que sa famille a recueillie. Lorsqu’on retrouve la jeune femme, elle est totalement amnésique et a même perdu l’usage de la parole. Mais ses aventures ne s’arrètent pas là.
Le film se compose de 12 épisodes :
– Le philtre d’oubli - Deux drames dans la nuit - Les mystères de la Villa Circé - L’homme dans la malle - Chez les fous - Les oiseaux de nuit - Evocation - Sous le voile - La branche de salut - Mercredi 13 - Le document 29 - Justice
Notre avis : Après les fascinants Vampires de 1915-1916, le superbe Judex (1916-17) et une Nouvelle mission de Judex (1917-18) un peu inégale, Louis Feuillade abordait pour la quatrième fois le genre de la série feuilletonesque à épisodes (Fantômas, en 1913-1914, avec ses cinq parties autonomes, n’en était pas vraiment une) en filmant à Nice, durant l’été de 1918, les rocambolesques aventures de la jolie Tih Minh, jeune eurasienne intrépide mêlée malgré elle aux sombres intrigues d’espions prêts à mettre en œuvre les stratagèmes les plus invraisemblabes pour récupérer un document secret de la plus haute importance stratégique en ces temps de conflits internationaux.
- Tih Minh (1918) © Copyright Gaumont
Car nous sommes encore en pleine guerre et les sinistres Kistna (Louis Leubas, ex Satanas des [Vampires) et Gilson (Gaston Michel, futur Barrabas dans la série suivante en 1919-1920), sont forcément à la solde de menaçantes puissances étrangères qu’on n’a guère de peine à identifier.
Autour de ces méchants, experts en déguisements de toute sorte (barbes, turbans, tenues de bonnes soeurs, chaises roulantes), et de la gracieuse Mary Harald (la bohémienne de Vendémiaire, tourné le même été), on retrouve dans Tih Minh nombre de familiers de l’univers du cinéaste, à commencer par Réné Cresté, moins ténébreux dans le rôle de Jacques d’Athys que dans celui de Judex mais avec toujours autant d’allure, et Édouard Mathé (le journaliste Philippe de Guérande des Vampires) dans celui du jeune diplomate anglais Sir Francis Guy qui va l’assister dans sa lutte pour le bien.
- Tih Minh - Louis Feuillade - Gaumont 1918
Biscot (Baptiste, le domestique), successeur de Marcel levesque dans l’emploi du comique de service, et Jeanne Rollette (Rosette, la femme de chambre) complètent une sympathique équipe de défenseurs de la bonne cause qui ne se prend pas trop au sérieux.
En effet, c’est un esprit de joyeuse légèreté qui anime ces quelques six heures de projection aux cours desquelles s’enchaînent, sans lasser un seul instant, les enlèvements à répétitions, les plans de bataille alambiqués, les cambriolages excessivement astucieux, les flash-backs révélateurs, les courses poursuites acrobatiques (Tih Minh cachée dans un panier à provision précipité d’une falaise et arrété dans sa chute par un arbre ou atterrissant dans les bras de la providencielle Dolorès avant de s’écraser sur la route au pied de la villa) et les coups de théâtres, sans parler des innombrables échanges et interceptions de messages, parfois truqués : télégrammes, coups de téléphone, billets et capsule de somnifère transportés par l’insoupçonnable chienne Rita.
- Tih Minh - Louis Feuillade - Gaumont 1918
Quant au fameux document 29 à l’origine de tout ce déploiement d’énergie, le film fait clairement apparaître son caractère dérisoire.
A ce stade de la carrière de Feuillade, l’art de la mise en scène et de l’articulation du récit au moyen du montage ont acquis une efficacité fonctionnelle que n’avaient pas, quelques années plus tôt, les cinq Fantômas , ni même Les Vampires, où la relative fixité des cadres laissait entrer dans les plans, et entre les plans, une part d’étrangeté irréductible qui augmentait leur pouvoir de fascination.
La mécanique du récit tend du coup à prendre le pas sur le pouvoir hypnotique de l’image et on perd indéniablement, un peu, en mystère ce qu’on gagne en fluidité narrative.
- Tih Minh - Louis Feuillade - Gaumont 1918
L’étrangeté est bien là pourtant sous l’aveuglant soleil de la Côte d’Azur et le cinéaste sait comme peu d’autres conférer un caractère énigmatique aux décors en plein air (le vaste jardin de la villa ; le toit en terrasse du grand hôtel où l’un des espions se cache dans le reservoir d’eau ; les routes escarpées de l’arrière pays ; une mine à ciel ouvert) et entourer d’une aura inquiétante des personnages cousus de fil blanc (le médium Dolorès qui traverse tout le film en état d’hypnose).
Quand à la vision de l’essaim de jeunes femmes amnésiques entrevues d’abord dans le sous-sol de la villa Circé puis, libérées, s’ébattant dans le jardin tels des oiseaux apeurés dans leurs robes de nuit blanches, c’est un des moments les plus difficilement oubliables de ce merveilleux sérial auquel Rivette rendra hommage dans Out 1 - Noli me tangere.
- Tih Minh - Louis Feuillade - Gaumont 1918
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