Sur les toits de Paris
Le 18 juillet 2011
Irma Vep et ses complices terrorisent Paris. Un sommet artistique et populaire du cinéma muet des années 1910.
- Réalisateur : Louis Feuillade
- Acteurs : Renée Carl , Musidora, Edouard Mathé, Marcel Levesque, Jean Ayme
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Aventures, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Gaumont DVD
- Durée : 10h00mn
- Date de sortie : 13 novembre 1915
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Résumé : Les Vampires, une société secrète, terrorise Paris en multipliant enlèvements, vols et assassinats. La police est dépassée et seul le journaliste Guérande, aidé de Mazamette, tente de mettre hors d’état de nuire ces dangereux criminels dont l’égérie est la troublante Irma Vep.
Critique : Auteur des séries Fantômas et Judex mais aussi d’une multitude de courts métrages, Louis Feuillade (1873-1925) se surpasse avec ce serial en dix épisodes projeté en pleine Première Guerre mondiale et produit par Léon Gaumont (1964-1946) pour concurrencer les modèles américains en vogue (Les mystères de New York). Vaste fresque criminelle, la série connaîtra un franc succès et sera plus tard l’objet d’un culte de la part des surréalistes qui voudront y voir « la grande réalité de ce siècle ». À sa sortie, les intellectuels comme Louis Delluc avaient portant toisé cette « abomination feuilletonnesque » tout en reconnaissant un talent technique « supérieur à toute la production française de l’époque ». Au premier degré, le film est une merveille de narration policière, avec ses invraisemblances et coïncidences fascinantes ou cocasses (les interventions du fidèle Mazamette), ses rebondissements tumultueux (l’évasion d’Irma Vep, rescapée d’un naufrage) et son ambiance de mystères et complots qui débute dès la première bobine, avec un corps décapité au château de la Chesnaye. Plastiquement, la photo est somptueuse, surtout dans les séquences d’extérieur qui dévoilent un Paris des années 1910 transcendé par les éclairages et la reconstitution de studio, annonçant l’expressionnisme d’un Fritz Lang mais aussi tout un pan du fameux « réalisme poétique » des années 30 (Renoir, Carné...). Avec les limites techniques de l’époque (une caméra fixe, devant laquelle est planté le décor et se meuvent les acteurs), Feuillade réussit à maintenir une tension et un rythme qui culminent dans les épisodes L’évasion de la mort (des aristocrates asphyxiés avant d’être dépouillés), L’homme des poisons (une course-poursuite sur fond de puissances narcotiques), et Les noces sanglantes (un double enlèvement suivi d’un dénouement spectaculaire).
Au delà de l’efficacité du scénario, pourtant improvisé au gré de l’humeur ou des moyens du cinéaste, Les vampires frappe par ses audaces sulfureuses et son érotisme sous-jacent : « Un maillot de soie noire moulait ses formes ivoires ». Les déambulations d’Irma Vep sur les toits de Paris resteront dans les annales du cinéma et font de l’œuvre un « hymne à la Sorcière, à sa beauté vénéneuse et sa séduction satanique qui font des hommes ses esclaves et ses possédés » (Patrice Gauthier et Francis Lacassin). Première actrice (avec Theda Bara) incarnant la femme fatale à l’écran, Musidora (1889-1957) n’est pas pour rien dans le pouvoir de fascination qu’exerce, près d’un siècle après sa sortie, ce récit criminel. Que Desnos ou Aragon lui aient tressé des hommages vibrants n’est donc pas étonnant. Le seul comédien à lui faire un peu d’ombre est le génial Marcel Levesque (1877-1962), dont la trogne singulière et la bonhomie conviennent admirablement au personnage du sympathique Mazamette. Le reste de la troupe ne démérite pas, en dépit des différends de Feuillade avec certains acteurs (Jean Aymé, qui joue le rôle du Grand Vampire, voit son personnage tué à la fin de l’épisode 6, avant qu’il ne soit congédié par le metteur en scène...). Un bijou de poésie et de mystère, source d’inspiration pour Resnais, Franju et Assayas, à redécouvrir impérativement.
© Gaumont
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