Le 6 juin 2017
Sous le prétexte d’une enquête policière, Yves Mirande dresse un sombre tableau de son époque, servi par une myriade de vedettes.
- Réalisateurs : Georges Lacombe - Yves Mirande
- Acteurs : Michel Simon, Erich von Stroheim, Jules Berry, Gaby Morlay, Lucien Baroux
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Regina
- Date de sortie : 14 mars 1939
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Résumé : Un crime a été commis dans un ascenseur. La police enquête et pénètre dans l’intimité des différents locataires, soumettant tout l’immeuble à un interrogatoire en règle, et tombant généralement au milieu d’une scène de ménage. L’enquête fait resurgir un certain nombre de petites histoires que les locataires auraient préféré garder secrètes.
Notre avis : C’est la fine fleur des comédiens de l’époque que Mirande, grand scénariste-dialoguiste, avait réuni pour ce faux film à sketches : dans chaque appartement ou presque, une vedette est soumise à un interrogatoire qui vaut moins pour sa manière quasi-nulle de faire avancer l’enquête sur le meurtre de la propriétaire que d’une part, pour proposer un numéro d’acteur, et, d’autre part, pour dresser par petites touches une vision amère de la société. Bien sûr, on se régale de voir l’impérial Von Stroheim, le cynique Jules Berry ou le cabotin Michel Simon, et même les apparitions de Carette, par exemple (on est plus réservé sur Elvire Popesco ou Gaby Morlay) et tous ont leur petit numéro, qui permet de varier les tons : ainsi, si le « président » revient très moralement vers sa femme en une scène mélodramatique, le lanceur de couteaux ou le cleptomane donnent lieu à des moments amusants. On regrettera certes que la réalisation de Mirande ne dépasse que rarement le fonctionnel – hormis l’étonnante séquence pendant laquelle le concierge est confondu ; même aidé par Georges Lacombe, ce cinéaste à la courte carrière se contente de servir les comédiens, privilégiant la lisibilité et le dialogue.
Mais évidemment, ce qui ne laisse pas d’étonner encore aujourd’hui, c’est l’idée très forte qui fonde le film, et selon laquelle, comme le dit un policier, tout le monde a quelque chose à cacher : la façade, c’est bien sûr celle de l’immeuble du meurtre, mais c’est aussi au sens métaphorique qu’il faut comprendre le titre ; les plus riches ont une façade respectable, mais les dessous moins glorieux sont multiples (la trahison, l’adultère, et dans presque tous les cas l’argent). La victime même s’occupe d’un bordel et elle est « sourde de l’oreille gauche, c’est à dire du côté du cœur ». Ce que met en valeur Mirande sans faux-semblants, c’est que le sexe et l’argent corrompent en profondeur la société. Malgré le ton enjoué et les bons mots, malgré quelques générosités éparses, malgré le visage plus clément attribué aux jeunes, le ton général est désenchanté : à tous les étages les hommes et les femmes (belle égalité des fripouilles) mentent et trichent, que ce soit sur le mode du vaudeville (le sketch de Gaby Morlay et son gigolo sous le lit) ou du drame (l’étonnante partie de cartes avec Von Stroheim). Même les plus innocents sont des voleurs, comme le petit comptable qui a piqué dans la caisse pour une bonne cause.
Certes, on pourra trouver le procédé fabriqué, le résultat inégal, la morale un peu lourde ; mais au détour d’une scène, l’émotion peut naître (voir l’aveugle qui croit posséder encore des tableaux) ; au détour de plus d’une autre, on s’amusera avec d’extraordinaires comédiens. La faconde de Jules Berry ou de Lucien Baroux fait ainsi merveille dans des dialogues très écrits et pourtant la plupart du temps « naturels ». C’est l’occasion de retrouver ces acteurs qui ont enchanté leur époque et qui, à eux seuls, justifient de voir ce film, mineur, mais constamment plaisant.
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