Qui joue qui ?
Le 22 décembre 2018
Monte Hellman, l’outsider du cinéma américain, revient enfin avec ce film noir pirandellien à la douceur vertigineuse de rêve éveillé.
- Réalisateur : Monte Hellman
- Acteurs : Shannyn Sossamon , Fabio Testi, Tygh Runyan, Waylon Payne, Dominique Swain, Cliff de Young
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Capricci Films
- Durée : 2h01mn
- Box-office : 11.100 entrées France / 6.672 entrées Paris Périphérie
- Date de sortie : 13 avril 2011
- Plus d'informations : Le site du distributeur
- Festival : Festival de Venise 2010
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L’argument : Un jeune réalisateur sombre dans une affaire criminelle pendant le tournage de son nouveau film...
Notre avis : Monte Hellman est un outsider du cinéma américain dont l’œuvre a influencé nombre de jeunes cinéastes. Sa filmographie, peu abondante, comporte au moins trois films cultes : les westerns Ride in the whirlwind et The shooting, tournés tous deux en 1965, et le road movie Two-Lane blacktop (1971). S’il est toujours resté très actif, produisant notamment Reservoir dogs, préparant Buffalo’ 66 avant de le céder à Vincent Gallo, ou enseignant au California Institute of the Arts, il n’avait plus réalisé de films depuis Iguana, en 1988, et Silent Night, Deadly Night 3 : Better Watch Out ! (1989 - inédit en salles), à l’exception d’un court-métrage (Stanley’s Girlfriend en 2006).
La sortie de ce Road to nowhere, présenté à la dernière Mostra de Venise (Lion d’Or spécial pour l’ensemble de l’œuvre), est donc un véritable événement qui ne peut que réjouir les cinéphiles, même s’ils risquent d’être un peu décontenancés par un film qui semble à priori très éloigné des opus précédents du cinéaste.
Ce n’est certes pas le parti pris de lenteur, clairement affiché d’entrée de jeu par un plan de plusieurs minutes montrant une jeune femme se séchant les cheveux sur un balcon, qui surprendra. Celle-ci a toujours été un élément constitutif du style de Hellman et le charme de Road to nowhere, l’excitation particulière qu’il procure, tient en grande partie au sentiment de durée réelle des actions, par exemple le temps qu’il faut pour déshabiller une morte dans un tunnel.
Tout le film baigne dans une espèce de semi-léthargie inquiétante que viennent lacérer des éclairs de violence (deux crashs d’avions, quelques passages à l’actes inattendus) dont l’effet est d’autant plus fort que rien ne semble les préparer.
Certains refuseront peut-être se se laisser perdre dans les méandres du scénario de Steven Gaydos, volontairement déconstruit et pirandellien. Il est vrai qu’on s’interroge souvent sur le statut de ce qu’on voit (Est-ce vrai ou est-ce que ça fait partie du film dans le film ?) et qu’à la fin, on n’est pas certain d’avoir tout compris. Mais cette indécision est un élément déterminant dans la réussite de la plupart des classiques du film noir et ici, comme dans les meilleurs spécimens du genre, la limpidité de la mise en scène ajoute encore au trouble ressenti par le spectateur.
Road to nowhere, qui est aussi un formidable documentaire sur le monde du cinéma, tire sa force de l’adéquation entre son intrigue policière et son sujet profond : la question du casting. Celle-ci est au cœur des préoccupations de Hellman qui dit à ses acteurs : Votre travail ne consiste pas à devenir le personnage, c’est le personnage qui doit venir à vous.
Et le casting est ici tout simplement parfait : héritière des Laura, Gilda et bien sûr de la Madeleine/Judy de Vertigo, la figure double de Laurel/Velma (qui joue qui ?) s’inscrit dans la lignée des oiseaux blessés qui entraînent le héros dans leur chute et trouve en Shannyn Sossamon une interprète idéale (Elle a le gène du film noir, dit justement Hellman). Waylon Payne (Bruno) ou Cliff de Young (lui aussi dans un double rôle) sont vraiment très bien, tout comme Tygh Runyan en jeune cinéaste naïf tentant de masquer sa vanité sous une gentillesse et un enthousiasme excessifs. (Les séances vidéo dans sa chambre d’hôtel nous valent, en écho à l’intrigue, des extraits de The lady Eve, L’esprit de la ruche et Le septième sceau, immanquablement qualifiés de plus grand film du monde).
S’il n’est pas totalement exempt de faiblesses (la partie italienne a des allures de carte postale), Road to nowhere dépasse rapidement ses prémisses un peu théoriques et auto-réflexifs (Drop that gun ! crient les policiers au cinéaste en train de les filmer l’œil sur le viseur de sa caméra) pour nous plonger dans le doux vertige du rêve éveillé.
Signalons que Capricci sort le 25 mars un livre d’entretiens avec Monte Hellman intitulé Sympathy for the devil.
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