Monte Hellman - Sympathy for the devil - Le livre

Ce livre d’entretien kaléidoscopique, drôle et riche en anecdotes, fournit une excellente entrée en matière dans le cinéma de Monte Hellman, au moment où sort en salles son nouveau film.

L’argument : Après vingt ans d’absence, Monte Hellman revient au cinéma avec Road to Nowhere. IL raconte ses démêlés avec le diable, ses films, ses voyages, ses projets perdus et retrouvés - ainsi que quelques blagues.
Jack Nickolson m’a sauvé la vie aux Philippines - L’ouragan de la vengeance, The Shooting et JFK - Macadam à deux voies parle de la réalité et de l’illusion - Sean Connery dans une adaptation d’Alain Robbe-Grillet - J’ai beaucoup navigué sur les deux océans - La vie intime des espions - Diriger la seconde équipe de Robocop - Marlon Brando me trouve trop gentil - Un chinois et un japonais sont dans un bateau - J’étais si énervé que j’ai fait peur à Warren Oates - Les américaines détestent Iguana - J’ai financé trois fois Reservoir Dogs - Ma recette de la margarita - J’aurais voulu être magicien - Everything is casting - Il vaut mieux surestimer l’intelligence du public.

Notre avis : Monte Hellman est à l’honneur ce printemps grâce à capricci, jeune et dynamique société de distribution (et de production) de films, mais aussi maison d’édition au catalogue déjà bien fourni (le Schroeter de Philippe Azoury).
La parution de Sympathy for the devil accompagne la sortie en salles de Road to nowhere, le nouveau film de l’outsider du cinéma américain qui depuis 1989 n’avait tourné que le court-métrage Stanley’s Girlfriend, présenté hors compétition à Cannes en 2006, alors que Hellman présidait le Jury d’Un certain regard.

Dans son avant-propos, Emmanuel Burdeau tente de définir le vertige qui habite les films du cinéaste en évoquant le plan final de Two-lane black-top - Macadam à deux voies, avec la pellicule qui fond et se consume, interrompant ainsi la course éperdue sur l’asphalte des héros de ce fascinant road-movie, et concluant que, pour l’auteur de The shooting, to shoot is to shoot. Je cite : Filmer, c’est (se) tirer une balle. Remonter l’impossible piste de ce qui, à force de tourner, se détourne puis se retourne contre soi pour partir en vrille, en flammes, en lambeaux.
La suite de conversations qu’il a eues avec Monte Hellman à Los Angeles en avril 2010 (et qu’il a traduites en français), pourra paraître décousue et passe volontiers du coq à l’âne mais son aspect kaléidoscopique permet de cerner au mieux la personnalité attachante et la méthode de ce jeune cinéaste de 78 ans à la vivacité et à l’humour intacts qui a toujours navigué hors des sentiers battus, déclarant : Ce sont mes films qui m’ont enseigné que j’aimais les jeux (My movies taught me that I like games) ; et acceptant la part d’incontrôlable qui fait, dit-il, que les choses (...) sont simplement arrivées parce que nous avons pu créer une atmosphère où, d’une certaine manière, nous avions toute latitude d’échouer (a kind of freedom to fail).
Alternant considérations techniques, souvenirs et anecdotes de tournages, portraits, digressions en tous genres, Sympathy for the devil épouse le mouvement d’une pensée en action et ne réclame pas forcément une lecture linéaire, du début à la fin. Découpé en chapitres (Du cri de Tarzan à The shooting, Doctor Hellman and the lost projects), judicieusement mis en page et illustré, enrichi d’inserts (citations de poèmes, extraits de scripts ou d’entretiens, recette perso de la Margarita, un cocktail à base de téquila) ce petit livre souvent drôle dont le titre fait écho au Beat the devil (1954) de John Huston, se lit avec un réel plaisir et donne très envie de (re)plonger dans l’oeuvre du cinéaste de Ride the whirlwind et de Cockfighter.
(Monte Hellman et Shannyn Sossamon sur le tournage de Road to nowhere)