M le maudit
Le 26 février 2011
Trois films rares et indémodables d’un cinéaste maudit qui a toujours su filmer le silence au cinéma.
- Réalisateur : Monte Hellman
- Acteurs : Jack Nicholson, Warren Oates, Laurie Bird, Millie Perkins
- Genre : Drame, Western
- Editeur vidéo : Carlotta Films
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– The shooting (1965), 1h18mn
– L’ouragan de la vengeance (Ride in the wirlwind, 1966), 1h19mn
– Cockfighter (1974), 1h21mn
Sans lui, ni Gerry de Gus Van Sant ni l’oeuvre complète de Vincent Gallo n’auraient vu le jour. Monte Hellman est le cinéaste qui a su donner ses lettres de noblesse à un genre qui n’en finit plus de nous émerveiller : le road-movie.
L’argument : Un ancien chasseur de primes est contraint d’emmener une femme mystérieuse vers Kingsley. Il va très vite douter de sa bonne foi (The shooting). Trois cow-boys sont injustement poursuivis par une milice qui les accuse d’avoir braqué une diligence (L’ouragan de la vengeance). Un entraîneur de combat de coqs décide de ne plus prononcer le moindre mot tant qu’il n’aura pas remporté de victoire (Cockfighter).
Notre avis : En s’aventurant dans les plaines du Far-West, Hellman n’aspire qu’a une seule chose : développer le mythe. Avec The shooting, le cinéaste explore les méandres du road-movie en le poussant à son paroxysme. Cette quête sans fin est un prétexte à filmer la mort en mouvement. Véritable ballet macabre, où Hellman emmène ses héros (et ses spectateurs) dans des territoires poussiéreux, sans le moindre signe de vie et où la mort peut survenir à chaque instant. Dans ce tourbillon mortuaire, le cinéaste plonge le spectateur dans un gouffre aux chimères. A défaut d’une intrigue, Hellman oriente son film vers une dramaturgie tendue flirtant avec l’invisible. Concept qui se traduit par une histoire légère et des dialogues incisifs forçant le spectateur à s’identifier à l’un des protagonistes. Que reste t-il de ce vide absolu ? Rien que le bruit des pas de ces cow-boys esseulés.
Dans L’ouragan de la vengeance, second western tourné pratiquement avec la même équipe, Hellman utilise le canevas habituel du groupe d’homme poursuivis dans un Ouest fantôme. Le schéma conventionnel propre à n’importe quel western hollywoodien se dissipe délicatement pour laisser place à une codification inhabituelle dans le genre. Tout comme Ford dans La prisonnière du désert, Hellman utilise le thème de la quête initiatique afin de mieux dévoiler les caractères de ses personnages. Mais là où Ford insérait une construction narrative ordonnée, Hellman préfère reléguer l’histoire au second plan afin de mieux brouiller les pistes. Le silence devient l’élément fondamental de sa mise en scène, constituant une mise en abyme d’un monde et/ou d’un genre cinématographique qui s’éteint.
Le troisième film de cette collection est le plus impersonnel de l’auteur. Cockfighter est une œuvre problématique car chaque séquence du film traduit un dénigrement total d’Hellman pour ce scénario. Prisonnier d’un producteur paranoïaque (Roger Corman), il ne peut réaliser le film qu’il espérait. Le résultat donne un film malade, protéiforme et complètement remonté par un Corman inculte !
Les films de Monte Hellman sont hypnotiques, sorte de trips féconds qui nous plongent dans une forme d’essence baudelairienne. Planante, pleine d’extase, concentrée de bric et de broc, l’œuvre de ce cinéaste maudit est un cercle vicieux, osmose parfaite entre un riff de John Fogerty et une mélodie sucrée de Brian Wilson. Ces films, souvent lents et contemplatifs, offrent plusieurs possibilités de lecture, plusieurs questionnements, plusieurs façons de célébrer la vie, l’amitié et la mort aussi. La mort qui ne fait que de travailler tout en sifflant la lente sécheresse de l’esprit.
Le DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Deux documentaires indispensables sur le travail du cinéaste à voir d’urgence pour mesurer l’intelligence d’un homme raffiné. Deux témoignages sincères et émouvants d’un homme solitaire, rongé par la pire des malédictions, celle des projets avortés faute de financements. Dans Plunging on alone : Monte Hellman’s life in a day, l’auteur se dévoile en toute pudeur devant une caméra discrète et généreuse dont la quantité de pellicule impressionnée suffit à nous livrer sa conception du cinéma : un parcours initiatique fondé sur le voyage et la découverte de soi. Hellman rider est un documentaire réalisé en 1988 et dont l’action se situe principalement dans une voiture vers une destination inconnue. Là, le cinéaste avec ses faux airs à la Samuel Fuller, répond inlassablement à des journalistes allemands, visiblement fans de la première heure. Venu présenter en France son dernier film, Iguana, Hellman en profite pour glisser quelques réflexions sur ses acteurs (Warren Oates, Laurie Bird et Jack Nicholson), sur la politique des studios américains ("Je me demande comment ils font pour perdurer"), sur quelques amis cinéastes ("Peckinpah et Siegel sont deux bons techniciens trop souvent dénigrés, ils savent poser la caméra là où il le faut contrairement à Kubrick qui n’a rien d’un metteur en scène") et sur sa conception du cinéma : "La réalité est l’élément fondamental même si elle est crue sinon le film devient obsolète."
Image & son : Il fallait un hic dans cette réédition. Hormis une restauration fidèle à la copie originale et un travail somptueux sur la couleur, la qualité d’écoute est perturbée par un souffle perceptible sur les deux premiers westerns, provoquant une gêne assez conséquente. En revanche, Cockfighter présente une copie sans faute.
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