Biographie
Le 7 avril 2004
Irritant peut-être, prometteur sûrement
- Réalisateur : Vincent Gallo
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Au départ, on ne le connaissait qu’en tant qu’acteur dans des films prestigieux (Trouble every day, Nos funérailles, Arizona dream) chez des cinéastes qui ne l’étaient pas moins (Claire Denis, Abel Ferrara, Emir Kusturica). En tant que réalisateur, sa carrière risque d’être plus controversée ; le Gallo cinéaste étant un provocateur pourvu d’une sensibilité à fleur de peau. Brown bunny, son second film, est un OVNI dans une planète cinéma de plus en plus rongée par le mercantilisme, le divertissement inoffensif et la standardisation.
Au festival de Cannes, en 2003, Vincent Gallo a déclenché un bordel inattendu. La raison ? The brown bunny, son dernier long métrage, attendu comme le messie par ceux qui avaient adoré son précédent Buffalo 66 dans lequel une kidnappée (Christina Ricci, impeccable) s’entiche d’un kidnappeur paumé (Vincent Gallo, lui-même). A l’époque, le style narratif ingénieux et la puissance formelle avaient très agréablement surpris et faisaient montre de la faculté exceptionnelle du "réalisacteur" à capter le spleen grandissant chez des êtres fâchés avec le monde.
The brown bunny approfondit la veine de la chronique dépressive et reluque dans le blanc des yeux d’un homme en manque d’amour. Une femme (Chloë Sevigny, sa copine) ne veut plus le revoir. Résumé ainsi, le film est beau. Seulement, le traitement est plus ardu et ne facilite pas la compréhension. Et provoque l’incompréhension, comme le montre sa réception à Cannes où il a été accueilli sous les sifflets d’une assistance outrée par le vide prétentieux du propos.
Certains y ont vu le précipité arrogant d’un narcissique qui passe son temps à se reluquer dans sa caméra. D’autres se sont gaussés de la fameuse scène de fellation, prodiguée par Chloë Sevigny, et n’ont cherché qu’à savoir si l’actrice avait bel et bien sucé la vraie bite de l’acteur. C’est la preuve qu’ils sont complètement passés à côté de cette superbe scène d’adieu où le personnage reprend conscience de la réalité. Le film est empli d’errements qui paraissent vains, mais ce va-et-vient permanent, ces hésitations, ces doutes, reflètent la quête d’un homme à la recherche d’un visage perdu. Tout le récit prend son sens lors d’une dernière scène où, de manière expéditive, le cinéaste se résout à donner la clé de l’énigme, à expliquer les motifs de ces pérégrinations lentes et apparemment sans intérêt. Et quand on en comprend le sens, la cadence du film s’accélère soudainement, et tout ce qui précédait devient singulièrement bouleversant. Un film sur ceux qui ne s’en remettront jamais, sur les êtres en panne d’eux-mêmes qui n’arrivent plus à être en harmonie avec la vie.
En sortant de la projection, on a l’impression que le scandale n’est pas dans le film mais autour. Certes, l’expérience n’est pas facile, mais au moins propose-t-elle de voir au-delà des images. Ça irritera, ennuiera sans doute, mais même amputé d’une demi-heure, The brown bunny reste ce qu’il est depuis le début : un bon film. Et Gallo, un cinéaste extrêmement prometteur.
Filmographie
– Buffalo 66 (1998)
– The brown bunny (2003)
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