Obsession
Le 27 février 2024
Le summum du film noir et, surtout, une magistrale illustration de l’ambiguïté des rapports humains.
- Réalisateur : Otto Preminger
- Acteurs : Gene Tierney, Dana Andrews, Clifton Webb, Vincent Price, Judith Anderson
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Thriller, Romance, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Swashbuckler Films
- Editeur vidéo : Fox Pathé Europa
- Durée : 1h28mn
- Date télé : 27 février 2024 13:35
- Chaîne : Arte
- Reprise: 4 janvier 2023
- Date de sortie : 13 juillet 1946
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– Année de production : 1944
Résumé : Laura Hunt (Gene Tierney), une ravissante et talentueuse publicitaire, est abattue à bout portant dans son appartement de Manhattan. L’inspecteur McPherson (Dana Andrews) mène l’enquête autour de trois suspects : le critique Waldo Lydecker (Clifton Webb), pygmalion de la victime ; son fiancé, le playboy Shelby Carpenter (Vincent Price) ; l’ancienne maîtresse de ce dernier, la tante de Laura (Judith Anderson). Hanté par un portrait de la jeune morte, le détective en tombe amoureux. Mais un soir, alors qu’il se trouve chez elle à essayer de débrouiller les fils de son enquête, Laura réapparaît. Rêve ou réalité ?
Critique : Ce n’aurait dû être qu’un film de série B mais Darryl Zanuck s’emballe pour le script et, malgré son aversion pour Otto Preminger, débloque un important budget. Le patron de la Fox a eu le nez fin et, rétrospectivement, on ne peut que s’en réjouir. Il est vrai que ce scénario est exceptionnel avec son abondance de flash-back qui permettent d’approfondir le personnage de Laura, d’en découvrir les multiples facettes. Avec aussi son fil conducteur, la voix off de Lydecker, juxtaposée, comme venant d’un autre monde (on saura à la fin que l’impression était justifiée mais par respect pour ceux, heureux, qui n’auraient pas encore vu ce classique du film noir, nous ne la dévoilerons pas).
- © Swashbuckler Films
"I shall never forget the weekend Laura died." Dès l’ouverture, le spectateur est envoûté. Plus qu’une simple enquête policière, c’est un film d’atmosphère. Atmosphère obsessionnelle autour de son héroïne, superbement renforcée par la musique de David Raskin avec son unique thème, repris, modulé, agrémenté de différentes manières. Thriller mélodramatique et romantique, le film est entièrement construit autour de l’amour proche du fétichisme éprouvé par ses protagonistes pour Laura, bloc de beauté, femme sublime exempte du moindre défaut (elle n’existe en fait qu’à travers le regard des autres). Un rôle en or pour une Gene Tierney qui illumine l’écran de sa beauté à couper le souffle et de son élégance sophistiquée. Autour d’elle, ceux qu’elle fascine n’éprouvent les uns pour les autres que rivalité, jalousie et suspicion. L’occasion pour Preminger de brosser de beaux portraits psychologiques, en particulier celui de Lydecker, aussi cynique que fragile, interprété tout en nuances par Clifton Webb.
Toute la distribution d’ailleurs est extraordinairement convaincante, magnifiquement dirigée par un réalisateur qui, pour la première fois, bénéficie de moyens financiers en accord avec son immense talent. En s’octroyant le luxe de mettre de côté l’intrigue - on a tout à fait l’impression qu’il s’en désintéresse -, en se focalisant sur la fascination qu’engendre Laura, la distance qui sépare les êtres et la perversion que peuvent atteindre les rapports humains, Preminger signe ici un film dont on ne se lasse pas, qui se bonifie à chaque vision. Un chef-d’œuvre d’une extrême richesse, plein d’ambiguïtés, d’un noir bien plus pathétique, dépravé et diabolique qu’un classique polar.
- © Swashbuckler Films
Les suppléments à ne pas manquer : Côté commentaires audio, la Fox met les petits plats dans les grands pour défendre l’un des fleurons de son fonds. Hautement recommandable, la présentation passionnante de l’historien Rudy Behlmer, fourmillant d’anecdotes et de précieuses informations sur ce film que certains croyaient maudit avant même son tournage. Un must pour qui aime la grande et la petite histoire du cinéma. La seconde piste, avec des commentaires du compositeur David Raskin et d’une spécialiste du nom de Janine Basinger, est moins accrocheuse. Trois documentaires viennent illustrer Laura. Avec L’obsession (12 mn), qui pourtant aborde le sujet central du film, on reste malheureusement sur sa faim, faute d’approfondissement. La biographique de Gene Tierney, Un portrait bouleversant (44 mn), fabriqué sans âme ni émotion, n’a rien de bouleversant et c’est bien dommage, l’actrice méritait un autre traitement. Ce flop est rattrapé par un intéressant portrait de Vincent Price (Un vaurien talentueux, 44 mn), loin de se douter, à l’époque de Laura, qu’il allait devenir l’une des icônes du cinéma fantastique de l’après-guerre. Dernier bonus : une scène coupée que l’on peut voir seule ou remontée dans la version originale
Image et son : Beaucoup de soin apporté à la remastérisation de Laura. Le noir et blanc soyeux rend hommage à l’unique Oscar du film (alors qu’il avait été nominé cinq fois) : celui de la photographie remporté par le grand artiste qu’était Joseph LaShelle. On laissera de côté la version doublée en français, carrément insupportable (et entièrement d’époque), pour la version originale, d’excellente facture, accessible en mono et stéréo (sans différence notoire).
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