À l’eau, à l’eau
Le 17 décembre 2023
Preminger se prend les pieds dans le radeau et le sauve de justesse du naufrage.


- Réalisateur : Otto Preminger
- Acteurs : Marilyn Monroe, Robert Mitchum, Rory Calhoun, Tommy Rettig, Murvyn Vye
- Genre : Aventures, Action, Western
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Swashbuckler Films
- Durée : 1h31mn
- Date télé : 19 mars 2025 20:50
- Chaîne : TCM Cinéma
- Reprise: 9 novembre 2016
- Titre original : River of No Return
- Date de sortie : 3 septembre 1954

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Résumé : En 1875, Matt Calder (Robert Mitchum), un veuf, ancien repris de justice (il a tué pour sauver la vie de son meilleur ami), vient chercher Mark, son fils âgé de neuf ans, dans un camp de chercheurs d’or. C’est Kay (Marilyn Monroe), une chanteuse de saloon, qui avait pris l’enfant sous son aile. Bientôt, Kay débarque dans la petite maison dans la prairie où vivent Matt et son fils. Son compagnon, une petite frappe, vole le fusil et le cheval de Matt. Contraints de fuir les Indiens, l’homme, la jeune femme et l’enfant se retrouvent à descendre sur un radeau fragile une rivière quelque peu mouvementée.
Critique : Une petite décennie après Laura qui l’a d’emblée propulsé dans la cour des grands, Otto Preminger se sent bridé par son contrat et souhaite reprendre son indépendance. Zanuck, qui le porte aux nues après avoir été son pire détracteur, joue les marchands de tapis et lui impose un dernier film avant de le libérer. Le deal est purement commercial. Il s’agit de diriger, dans un rôle de composition, l’étoile montante de la Fox, Marilyn Monroe, qui vient de se distinguer dans Niagara de Henry Hathaway et Les hommes préfèrent les blondes de Howard Hawks. En prime, le film sera tourné en CinemaScope, une technique qui en est à ses débuts. Ce sera un western. Preminger n’en a jamais tourné et n’en tournera plus jamais. L’expérience de La rivière sans retour y est certainement pour quelque chose...
À la base, un scénario qui ne vaut pas tripette, bourré de tous les plus mauvais clichés du genre, un vrai festival d’âneries et de psychologie de bas étage, agrémenté d’une représentation des Indiens qui frise l’injure, alors que le pitch, en lui-même, ne manquait pas d’intérêt. Avec ce matériau, il était difficile de réaliser un chef-d’œuvre. Le réalisateur tire pourtant son épingle du jeu. Le plus réussi dans ce film, c’est la description - contemplative - d’une nature inhospitalière et pourtant magnifique (les extérieurs ont été tournés dans les Rocheuses canadiennes). Épaulé par son directeur photo fétiche, Joseph LaShelle, Preminger la donne à voir, par d’amples mouvements de caméra, dans toute sa splendeur sauvage.
Hélas, la pauvreté des effets spéciaux gâche une partie du plaisir. On a presque envie de rire (ou de pleurer) quand le radeau est pris dans les rapides et qu’on imagine une batterie d’assistants jetant des baquets d’eau hors champ pendant que défile une découverte qui ne peut cacher son jeu. Mais bon, soyons charitables, disons qu’à l’époque on ne savait pas faire beaucoup mieux et attardons-nous sur le couple phare. Avec son humour habituel, Mitchum, que Preminger venait de diriger dans Angel Face, a traité le film de “picture of no return", c’est dire s’il était conscient de son aspect casse-gueule. Jouant à sa manière coutumière, tout à l’économie, il incarne un Matt Calder rogue mais sincère tout à fait plausible. Quant à Marilyn, tantôt en robe de taffetas brillant, tantôt en jeans moulant, toujours aussi sexy et adorable, elle est capable selon les scènes du meilleur et du pire. En tout cas, il est par moments patent à l’écran que le courant a eu du mal à passer entre elle et son metteur en scène.
Nonobstant des défauts qui pourraient paraître rédhibitoires, La rivière sans retour peut se regarder avec un certain plaisir. Quelques scènes très réussies (par exemple le splendide travelling d’ouverture avec l’arrivée au camp des chercheurs d’or, ou Mitchum massant Marilyn comme s’il étrillait son cheval), de jolies chansons et une description sensuelle de la nature sauvent le film. Le radeau prend l’eau mais évite le naufrage...