<A HREF="http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/2707306622/avoialir-21" target="_blank">Acheter ce livre</A>
Le 10 mai 2005
Rencontre ferroviaire, retrouvailles littéraires.
Rencontre ferroviaire, retrouvailles littéraires.
C’est dimanche. La pluie gribouille les vitres du TGV qui traverse une campagne déplumée. Çà et là, sur un sol spongieux, des vaches au pelage blanc pisseux se morfondent, plantées à ne rien faire. "C’est libre ?" La blonde a les lèvres gercées. Elle s’affale sur le siège à côté de moi. D’une besace harassée jaillit un livre à couverture blanche frappée d’une étoile bleue. Il frôle mes lunettes pour atterrir sur mes genoux. "Oh, pardon", rosit la blonde. Son sac entier se déverse alors sur la moquette : brosse à cheveux pas très nette, kleenex usagés, poudrier déglingué, miettes de tabac, imposant trousseau de clés, lunettes de soleil borgnes d’un verre, bouts de papier griffonnés, paquet de gaufrettes et une poignée de pièces jaunes depuis longtemps hors jeu. Ses joues virent au pivoine. Elle bafouille : "Je suis confuse. J’ai les mains en beurre. Je ne peux rien y faire, tout m’échappe." J’enregistre ses gestes désordonnés, ses cheveux raides en bataille, ses lèvres gercées et sa voix étonnamment tendre. Et je me dis que ce pourrait être un roman qui commencerait ainsi, un dimanche, dans un train, avec une femme qui a les mains en beurre, un visage de servante batave, et qui lit L’Opoponax [1].
Vous connaissez L’Opoponax ? Moi oui. Enfin, hum... je l’ai lu... il y a quelques milliers d’années-lumière. En rentrant chez moi, je fouille et je le trouve par miracle là où il est censé m’attendre, couverture blanche à étoile bleue, en sandwich entre Oscar Wilde et Virginia Woolf. Son marque-page : un billet d’entrée du cinéma Barberini. Ça me revient, en effet, j’étais à Rome en 64, je me vois en train de lire dans les jardins du Pincio. Bon, calme-toi, tu vas pas nous raconter ta vie ! Dis-nous plutôt de quoi il parle, ce bouquin ! Qu’est-ce que c’est, l’opoponax ? Un fleuve comme le Potomac ou le Limpopo ? Une bestiole genre oryx, ornithorynque ou porc-épic ? Chut, vous faites trop de bruit, ne me dérangez pas, je lis...
[1] L’Opoponax, de Monique Wittig, éd. de Minuit, 1964
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.