Le 27 octobre 2019
- Date de sortie : 4 septembre 2019
- Plus d'informations : Site de l’éditeur
Un premier roman remarquable, qui joue avec la fascination du lecteur à altérer la routine du quotidien.
Résumé : Une jeune gouvernante frappe à la porte d’un couple bourgeois pour s’occuper de leur fille Elena. L’environnement est calme, routinier, organisé et ordinaire. Pourtant, la gouvernante suit un protocole. Pourquoi ? Qui la dirige ? Dans quel but ?
Notre avis : Guillaume Lavenant décide dès les premières phrases de piéger le lecteur. « Vous irez sonner chez eux un mercredi. Au mois de mai. Vous serez bien habillée, avec ce qu’il faut de sérieux dans votre manière d’être peignée. Vous ressentirez un léger picotement dans le bout des doigts. Il vous faudra tourner la tête et projeter votre regard sur le voisinage pour recouvrer votre calme. Ce qui finira par arriver, à la vue des pelouses bien tondues et du soleil qui dessine les contours de chaque chose. »
Tout le roman est écrit à la deuxième personne du pluriel, semblant s’adresser au lecteur, pour mieux le tenir en haleine. Par un effet immédiat, la distance entre le personnage, qui lit et respecte le protocole et le lecteur est abolie. Le voilà complice malgré lui, voyeur, désireux d’en savoir plus, excité par le rythme du roman.
Au fil des pages, qui se lisent comme un scénario de film de cinéma –l’auteur est lui-même metteur en scène-, l’intrigue dévoile que tout est programmé, tout est écrit. La gouvernante doit perturber, insidieusement, le quotidien de cette famille qui vit en banlieue pavillonnaire, dont la vie au quotidien est réglée comme du papier à musique. L’héroïne suit un protocole précis, parfaitement écrit, qu’elle se doit de respecter à la lettre. Dans quel but ? Le lecteur veut savoir, ne peut s’empêcher de tourner les pages pour en apprendre plus. Ce but, elle-même ne le connaît pas entièrement, elle n’est qu’un maillon de la chaîne.
Dans un style très cinématographique, où les descriptions semblent fournir des indications de cadre pour la caméra, l’auteur écrit au futur, comme pour donner une scène à jouer. La gouvernante peut être n’importe qui, elle n’est jamais nommée. Cette écriture précise crée une tension implacable, qui permet de lire le roman d’une seule traite, comme une course dans un tunnel dont on voudrait voir la fin.
Il s’agit d’un thriller psychologique dont la tension, tout au long du roman, se concentre sur une action et un seul personnage : les autres gravitent autour d’elle, de son rôle que personne ne sait feint. Petit à petit, le cadre s’élargit, la compréhension grandit et l’ampleur de ce qui se trame aussi. Quelque chose va arriver. Le lecteur, piégé dans sa lecture aux accents malsains depuis le départ, est emporté par le torrent des événements qui se produiront en chaîne. Il est trop tard pour ne plus respecter le protocole.
Au-delà de son style particulier, le roman décrit la préméditation et l’organisation de tout un système. Sans jamais livrer d’explications, la gouvernante suit son protocole, sans que ne soient dévoilées ses motivations, son identité. En la privant de cette identité, l’auteur cherche à renforcer son anonymat et démontrer qu’elle pourrait être n’importe qui. L’angoisse vient précisément du fait que personne ne peut se rendre compte de rien, tout est parfaitement orchestré de manière à ce que les changements soient indétectables. Le meilleur exemple est symbolique dans le livre : au fil des jours, cette gouvernante verse de l’eau dans une faille sur un parquet, jusqu’à produire un gonflement du sol. Avant qu’il ne soit visible, personne ne s’en est rendu compte. Il en sera de même pour son action finale : avant son exécution, elle est insoupçonnable.
La protagoniste est pourtant le révélateur efficace des failles existantes de son nouvel environnement. Elle devient rapidement l’objet de l’attention des membres de la famille. De manière paradoxale, sa présence de plus en plus affirmée auprès de la mère, du père ou d’Elena, la petite fille, la conforte dans sa mission. Guillaume Lavenant joue une nouvelle fois avec le lecteur : il sait que la gouvernante n’est pas libre de ses actes, mais les sentiments créés autour d’elle sont bien réels. Le lecteur prend plaisir à son tour à observer.
L’auteur élimine le superflu de son écriture, pour se concentrer sur l’essentiel de l’action. Comme pour rappeler que dans ses banlieues pavillonnaires, dont le quotidien se nourrit de superflu, il est temps d’ouvrir les yeux sur ce qui compte. Les apparences tombent et seule la vérité, aussi insupportable soit-elle, demeure.
Ce premier roman captivant supporte l’étrangeté, pour mieux nous ramener vers l’essentiel.
Guillaume Lavenant - Protocole gouvernante
189 pages
20,5 x 1,5 x 14,3 cm
Editeur : Rivages
A noter que Protocole Gouvernante est sélectionné pour le Prix Médicis 2019.
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