La beauté du monde
Le 20 janvier 2023
Porté par une actrice magnifique, ce joli conte moral suit le parcours d’une pimpante sexagénaire qui découvre le monde en même temps qu’elle commence à perdre ses mots.
- Réalisateur : Lee Chang-dong
- Acteurs : Lee David, Kim Hira, Yun Jung-hee, Ahn Nae-sang
- Genre : Drame, Mélodrame
- Nationalité : Sud-coréen
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 2h19mn
- Titre original : 시 (Si)
- Date de sortie : 25 août 2010
- Festival : Festival de Cannes 2010
Résumé : Dans une petite ville de la province du Gyeonggi traversée par le fleuve Han, Mija vit avec son petit-fils, qui est collégien. C’est une femme excentrique, pleine de curiosité, qui aime soigner son apparence et arbore des chapeaux à motifs floraux et des tenues aux couleurs vives. Le hasard l’amène à suivre des cours de poésie à la maison de la culture de son quartier et, pour la première fois de sa vie, à écrire un poème. Elle cherche la beauté dans son environnement habituel, auquel elle n’a prêté aucune attention particulière jusque-là. Elle a l’impression de découvrir enfin des choses qu’elle a toujours vues, et cela la stimule. Cependant, survient un évènement inattendu qui lui fait réaliser que la vie n’est pas aussi belle qu’elle le pensait.
Critique : Lee Chang-dong, ministre coréen de la Culture entre 2002 et 2004, est venu tard au cinéma après s’être bâti une solide réputation d’écrivain (Un éclat dans le ciel, éditions du Seuil). Il n’est donc pas si surprenant que l’écriture, et plus particulièrement la poésie, soit au centre de son cinquième film, prix du scénario au dernier Festival de Cannes.
Il n’a pas hésité à l’intituler 시 (Si), c’est à dire Poésie, au risque d’intimider le spectateur potentiel et de faire craindre l’emphase. Or, bonne surprise, le film ne cède à aucun moment à la tentation de l’envolée lyrique et reste au contraire très terre à terre en suivant pas à pas le parcours de son héroïne (au prix même d’une légère sensation de piétinement au long des cent trente-neuf minutes de projection).
- © Diaphana Distribution
Cette sexagénaire pimpante et dynamique se rend compte que les mots commencent à lui échapper et apprend qu’elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer. En même temps, s’étant inscrite à un cours de poésie, elle commence, son carnet de notes à la main, à être plus attentive au monde qui l’entoure et à le percevoir différemment.
Avec son air à la fois rêveur et déterminé, son regard parfois absent et soudain attentif, l’actrice Yun Jung-hee parvient à donner une belle présence à l’écran à ce personnage de vieille dame indigne (jolie scène où elle chante à tue-tête dans un bar à karaoké désert ; et cette autre où elle satisfait les désirs du président, vieillard diminué qui « veut être un homme une dernière fois »).
- © Diaphana Distribution
Si elle découvre la beauté des fleurs (même artificielles) et entend, comme jamais auparavant, le bruit du vent dans les feuillages et le chant des oiseaux, elle ouvre aussi les yeux sur une réalité moins belle au travers d’une sombre histoire de suicide de lycéenne soumise à une série de viols collectifs. Les parents des coupables (dont fait partie son propre petit-fils, adolescent immature vautré devant son écran d’ordinateur) et l’administration de l’établissement essaient d’étouffer l’affaire en dédommageant la famille.
Une des scènes les plus fortes du film est sans doute celle où, envoyée auprès de la mère de la victime pour la convaincre d’accepter cet arrangement, elle oublie totalement le but de sa visite et échange quelques considérations joyeuses sur la météo et sa nouvelle perception de la nature avec cette paysanne travaillant dans son champs.
- © Diaphana Distribution
Ce joli conte moral débouche tout naturellement sur l’acceptation de la beauté et de la laideur du monde (et elle acceptera aussi l’arrestation du gamin) et bien sûr de la mort. Mais tout cela, Lee Chang-dong se contente de le suggérer et c’est dans sa modestie presque laborieuse que réside la beauté de son film.
- © Diaphana Distribution
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Jujulcactus 11 septembre 2010
Poetry - Lee Chang-dong - critique
Lee ChangDong is back ! Après avoir marqué les esprit avec « Secret Sunshine » il s’inscrit une nouvelle fois au palmares cannois cette fois-ci au titre un peu bidon de « meilleur scénario » car on ne peut pas dire que ça soit le point fort du film mais c’était certainement l’occasion de marquer le coup ... Car « Poetry » est un beau film tout en retenue et en finesse, la thématique de la poésie apporte beaucoup bien que les lectures soient un peu rébarbatives, cette femme qui cherche la beauté autour d’elle diffuse sa passion et son envie de voir la vie du bon côté malgré l’accumulation d’évenements tragiques qui lui tombent dessus. Les acteurs principaux sont exellents, Yun Junghee porte l’histoire d’une façon admirable, sa relation avec son petit fils se revèle très touchante avec autant d’indifférence que d’amour... Beaucoup de sujets sont brassés par les lents remous du film, le deuil, la culpabilité, la culture, le pardon... Le seul défaut de cette oeuvre c’est la distance que le réalisateur impose entre son récit et ses spectateurs, j’aime pourtant cette pudeur mais là c’était un peu trop, à l’image de son personnage central qui intériorise tout et qui ne laisse que rarement exploser ses émotions, ou d’un final certes joli mais là encore distant ... Cette pudeur sans intensité sans musique peut dérouter, bien qu’elle donne une certaine couleur, un certain charme, elle peut laisser sur le bord de la route les moins patients ... Le soucis c’est qu’il prive le film des quelques belles envolées d’émotions qu’il aurait pu se munir pour véritablement s’imposer comme un grand film. Portrait saisissant de la confrontation entre une femme et l’atrocité du monde dans lequel elle vit aux travers d’une caméra tendre et cruelle comme un regard posé, en perpetuel mouvement, sur la société, la vie et le temps qui passe....
Frédéric de Vençay 27 septembre 2010
Poetry - Lee Chang-dong - critique
Âpre, naturaliste, sans fards, "Poetry" est un film assez éprouvant, une oeuvre qui se mérite. La poésie n’y est jamais explicite ni rose bonbon : elle est dure, profonde, masquée, aussi secrète que le "Secret Sunshine" de Lee Chang-Dong (du nom de son film précédent). Malgré cette aridité, "Poetry" réserve quelques beaux moments et doit beaucoup à son actrice principale, la délicieuse Yoon Junghee (LA véritable lauréate du prix d’interprétation cannois de cette année).
Sébastien Schreurs 3 mars 2011
Poetry - Lee Chang-dong - critique
Une perle de subtilité par le biais de la poésie comme exutoire à la brutalité du monde, à peine effleurée, portée sur les épaules frêles de Yun Junghee absolument bouleversante. Une des œuvres incontournables de l’année 2010.