La patrouille perdue
Le 20 juin 2010
Un film de guerre anti-communiste aux accents fulleriens qui affronte franchement les changements de registre. La découverte d’un authentique cinéaste, le coréen Lee Man-hee.
- Réalisateur : Lee Man-hee
- Acteurs : Jang Dong-Hwi, Choi Mu-Ryong, Koo Bong-Seo
- Genre : Film de guerre
- Nationalité : Sud-coréen
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– Durée : 1h50mn
– Titre original : 돌아오지 않는 해병 - Dora-oji anneun haebyeong
– Sortie en Corée du Sud : 11 avril 1963
Un film de guerre anti-communiste aux accents fulleriens qui affronte franchement les changements de registre. La découverte d’un authentique cinéaste, le coréen Lee Man-hee.
L’argument : Pendant la guerre de Corée un escadron de marines commandé par Gang Dae-sik prend part au débarquement d’Incheon. Après la reprise de Séoul, ils recueillent une petite orpheline, Yeong-hui, et la cachent dans un sac de pommes de terres. Au cours d’une opération l’escadron se retrouve isolé derrière la ligne de front. Seuls deux soldats survivront. Les autres ne reviendront plus.
Notre avis : Lee Man-hee (1931-1975) est considéré comme un des grands cinéastes coréens de sa génération. Extrêmement prolifique (Plus de 50 films en moins de 15 ans) il a abordé les genres les plus divers, s’illustrant notamment dans le film de guerre. Dora-oji anneun haebyeong - Les marines qui ne reviendront plus, gros succès en 1963, est devenu un classique du genre et constitue une révélation pour le spectateur occidental.
Tout le film épouse le point de vue d’une troupe de soldats aux prises avec la sauvagerie d’un ennemi communiste (chinois et nord-coréen) identifié à la barbarie de la guerre. La longue scène d’ouverture où on les voit s’emparer pas à pas d’une usine en ruines occupée par un ennemi invisible est extrêmement impressionnante et physique. C’est un véritable tour de force qui ne cède pourtant pas à la démonstration virtuose.
L’âpreté des combats qui suivront sera affrontée de manière frontale et très concrète, mais sans se complaire dans la violence gratuite. Cette manière de filmer la guerre n’est pas très éloignée de celle d’un Fuller, d’un Kubrick, ou encore du Kobayashi de La condition de l’homme.
On apprécie aussi la franchise avec laquelle le film passe sans prévenir d’un registre à l’autre. Les scènes d’action, on l’a dit, sont crues et efficaces. Mais l’humour est très présent et plus d’une séquence fait sourire, voire rire franchement : celle où les soldats se déhanchent sur une espèce de Cha-cha-cha imaginaire ou cette autre où ils démolissent un bordel normalement réservé aux soldats américains avant de se réconcilier avec les pensionnaires.
Le drame, le mélodrame même, sont affrontés avec la même franchise, un emploi judicieux de la musique (choeurs de soldats, mélodies de Noël) renforçant efficacement la charge émotionnelle de l’image. Tout ce qui tourne autour du personnage de la petite orpheline est traité avec une vraie délicatesse dénuée de mièvrerie, mais c’est surtout la détresse des soldats voyant leurs camarades disparaître un à un qui est poignante.
L’héroïsme n’intéresse pas Lee Man-hee, cinéaste très éloigné du manichéisme. Il ne met pas ses personnages sur un piédestal. Ils sont tenaillés par la peur mais essaient de faire face et de rester dignes. Tous sont remarquablement caractérisés et attachants.
S’il n’est pas totalement débarrassé de scories commerciales, peu gênantes au demeurant, Dora-oji anneun haebyeong, est un film prenant et secouant qui dépasse largement les ambitions affichées au départ. En choisissant d’aller très loin dans la voie d’un réalisme sans concessions, Lee Man-hee a dépassé le budget dès la première séquence (le fameux débarquement). Mais au vu du résultat les investisseurs ont pris le risque d’une rallonge. Ce pari s’est avéré payant, le succès du film permettant à cet authentique cinéaste au talent bien trempé de poursuivre une oeuvre passionnante et trop tôt interrompue.
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