Le 3 avril 2020
Peppermint Candy est un portrait au vitriol de la société sud-coréenne et pourrait former le premier volet d’une étude sur la névrose, thème récurrent du cinéma de Lee Chang-dong. Fascinant !
- Réalisateur : Lee Chang-dong
- Acteurs : Moon So-ri, Seol Kyeong-gu, Kim Yeo-jin
- Genre : Drame
- Nationalité : Japonais, Sud-coréen
- Distributeur : Swift Distribution
- Durée : 2h10mn
- Titre original : Bakha satang
- Date de sortie : 20 février 2002
- Festival : Festival de Cannes 2000
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– Année de production : 2000
Résumé : Par un bel après-midi de printemps, quelques amis pique-niquent pour célébrer leurs retrouvailles. Yongho, un invité inattendu dont ils étaient sans nouvelles depuis des années, fait alors son apparition. Mais celui-ci se comporte de manière étrange et paraît complètement déphasé. Il fuit le groupe et court vers des rails situés sur un pont adjacent. Un train arrive. Yongho ne bouge pas...
Critique : Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2000, et sorti en salles deux ans plus tard, Peppermint Candy est le premier des cinq films de Lee Chang-dong sélectionnés à Cannes, avant Oasis (Semaine de la Critique 2003) et, en compétition officielle, Secret Sunshine (2007), Poetry (2010) et Burning (2018). Portrait au vitriol de la société sud-coréenne, il pourrait former le premier volet d’une étude sur la névrose, thème récurrent de son cinéma. Les failles psychologiques de Yongho, le personnage principal, annoncent en effet les « pétages de plomb » de Shin-ae dans Secret Sunshine, et la dévotion de l’épouse est prémonitoire de celle de la pharmacienne dans le film de 2007. Comme dans Oasis, les protagonistes vont au bout de leurs pulsions ; le cinéaste reformera d’ailleurs le couple Seol Kyung-gu/Moon So-ri, deux des acteurs asiatiques les plus doués de leur génération. À l’instar de la retraitée de Mother, Yongho doit faire face à ses contradictions. Et les zones d’ombre de la narration annoncent les limbes mystérieux de Burning.
- Copyright Swift Distribution
L’œuvre commence par un pique-nique organisé en 1999 par d’anciens amis qui s’étaient donné rendez-vous dans vingt ans. Yongho se trouve là presque par hasard, sans avoir été véritablement invité, et s’ingénie à jouer les trouble-fête par des pitreries et en menaçant de se jeter sous un train... Le film est ensuite constitué de six flash-back successifs qui remontent la chronologie, de 1999 à 1979, et tentent de montrer comment ce quadragénaire insolite a pu en arriver là. Le procédé du film « raconté à l’envers » sera repris en 2002 par Gaspar Noé dans Irréversible et en 2003 par François Ozon (5 x 2), mais Peppermint Candy est doté d’un arrière-plan historique (la dictature coréenne, les mutations économiques des années 90) qui, sans être appuyé, permet d’ancrer le personnage dans un contexte qui va peser, sans doute, sur ses motivations. Comment un paisible étudiant renonce à son amour de jeunesse et se transforme en policier sinistre, époux abject, avant de connaître une déchéance affective et professionnelle brutale ? C’est ce que décrit cette radioscopie en sept parties, avec entre deux dates le plan récurrent d’un train élancé dans la campagne.
- Copyright Swift Distribution
1994, 1987, 1984 et 1980 constituent les retours en arrière les plus significatifs, et certaines séquences laissent une trace durable : les tortures perpétrées par la « violence légitime », l’exécution d’une innocente lycéenne sur une voie de chemin de fer, la nuit passée avec une serveuse séduite par l’évocation d’un amour passé... Pourtant, le cinéaste opte pour la sobriété et refuse toute sophistication : les images suggèrent davantage qu’elles ne montrent et il faut souligner l’usage subtil du hors-champ et de l’ellipse. Et une émotion réelle est distillée dans des cadres serrés (la séquence de l’hôpital). On peut certes se demander si la réalisation aurait été remarquée avec une chronologie « dans l’ordre ». Mais la question ne se pose pas plus que pour Lola Montès ou Pulp Fiction. Le montage intelligent et la force de la progression dramatique font oublier le choix narratif initial et ce plan d’un étudiant serein et rassurant, dans la dernière séquence, fait froid dans le dos, compte tenu de son « avenir ». Fascinant !
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