The Tempest
Le 3 janvier 2024
Sous l’influence de Shakespeare, Gus Van Sant réalise un drame expérimental et flamboyant sur l’adolescence.
- Réalisateur : Gus Van Sant
- Acteurs : James Russo, Keanu Reeves, Udo Kier, Chiara Caselli, River Phoenix, William Richert, Grace Zabriskie, Mickey Cottrell
- Genre : Drame, LGBTQIA+
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Carlotta Films, AAA Distribution (Acteurs Auteurs Associés)
- Durée : 1h42mn
- Date télé : 17 mai 2021 20:50
- Chaîne : France 5
- Date de sortie : 15 janvier 1992
- Festival : Festival de Venise 1991
Résumé : Scott et Mike sont prostitués et amants. Mais si Scott, dont le père est très riche et qu’il déteste, a un avenir tout tracé, Mike, quant à lui, traqué par ses souvenirs, sombre fréquemment dans des crises de narcolepsie. Au cours d’un voyage en Italie, une rencontre va les bouleverser et changer à tout jamais leur relation.
Critique : Le titre évoque avec une familiarité enfantine, presque déconcertante, ce lieu à la fois réel et mythique qui cristallise les aspirations de Mike (River Phoenix), jeune prostitué à la recherche de sa mère et dont le film dresse le portrait. Hanté par ses fantômes, il erre en compagnie des vagabonds de Portland, en quête d’un bonheur illusoire et perdu qu’il s’essaie à retrouver auprès de Scott (Keanu Reeves). Mais c’est au risque de se perdre. La première séquence, située sur une route dont il semble prisonnier, dit bien l’errance à laquelle le personnage est condamné. Idem pour ces violents accès de sommeil qui laissent surgir, à l’écran, un flot d’images accélérées, rendues menaçantes par la récurrence de motifs obsessionnels - la maison, la mère.
Mais My Own Private Idaho dresse également le portrait de Scott, amant de Mike qui apparaît surtout (l’ambiguïté, bien entendu, n’est pas fortuite) comme un frère ennemi. Fils du maire, il doit en effet toucher un héritage qui, contrairement à Mike, le mettra définitivement à l’abri du besoin. Comme toujours chez Gus Van Sant, la naissance du désir et les choix difficiles de l’adolescence sont évoqués avec une grande justesse, notamment grâce à l’attention portée aux acteurs. L’interprétation de River Phoenix - primé à Venise - croise ainsi habilement une théâtralité assumée (crises délirantes de ronflement) et un réalisme psychologique feutré mais puissant - scène de déclaration d’amour à Scott ou rencontre avec le "frère". La quête de la mère, fil conducteur du récit, ouvre la voie à un imaginaire épique qui offre à l’audace de Gus Van Sant un terrain privilégié pour explorer les thèmes qui lui sont chers.
Le cinéaste livre ici un patchwork d’expérimentations qui dynamisent le film et mettent notre sensibilité à fleur de peau. On se perdrait dans l’inventaire des procédés qui, tour à tour, s’amusent à briser tout effet de réalisme : ellipses surprenantes, mouvements de caméra à l’arrachée, accélérations subites. Ces effets qui, chez tant d’autres, nous paraîtraient mécaniques ou forcés, épousent avec justesse le propos du cinéaste. Bien sûr, celui-ci n’abandonne jamais son film à la pure expérimentation, et certaines séquences comiques, comme celle où les couvertures des magazines porno prennent vie, séduisent et amusent par leur kitsch délibéré. Elles nous rappellent aussi que l’illusion est un échappatoire bien incertain au malaise adolescent.
Car c’est bien sous l’égide de cette illusion mystérieuse et baroque (celle de Shakespeare) que se situe le long-métrage. La caméra s’immobilise par instants pour nous livrer des scènes de pure théâtralité (certains dialogues sont empruntés à la pièce Henri IV), évoquant avec grandiloquence les enjeux d’influence et de pouvoir que déguise cette vague histoire d’héritage et de quête de la mère. L’apogée du dispositif réside bien sûr dans les séquences où le couple Mike/Scott côtoie les vagabonds de Portland, dominés par la figure charismatique et tutélaire de Bob Pidgeon. Gus Van Sant, comme le fera plus tard Baz Luhrmann, restitue avec force toute la violence du langage de Shakespeare, sans jamais sacrifier la profondeur du propos à la modernité du style. En cela il réussit le pari audacieux d’un film à la fois déroutant formellement et psychologiquement très fort. Une véritable aventure, au carrefour des préoccupations du cinéaste sur l’adolescence ou l’Amérique.
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birulune 30 janvier 2018
My Own Private Idaho - Gus Van Sant - critique
L’illusion est un échappatoire bien illusoire pour les ados. Puissant
birulune 30 janvier 2018
My Own Private Idaho - Gus Van Sant - critique
L’illusoire est un échappatoire bien incertain au malaise adolescent. Pardon.
birulune 30 janvier 2018
My Own Private Idaho - Gus Van Sant - critique
Je suis pas fan de Shakespeare. Les scènes de délire, ave l’acteur allemand, en images syncopées ( pour éluder une scène de triolisme homo) dans un hôtel précèdent souvent un grand moment de cabotinage savoureux.
Keanu Reeves jeune peut se glorifier de n’avoir aucune scène homo dans le film tout est si doux si paisible a part les scènes d’enterrement diamétralement opposés ( le riche et le pauvre) a la toute fin du film.
Chacun son milieu chacun son mentor. L’amitié masculine se teinte de bromance sans plus.
Un road trip où la route a un double sens:pas de flux, pas d’embouteillage, c’est Seul au Monde a l’envers.
Les ados en perdition cherche où aller et il y a des îles désertes partout.
Jarmush aurait pu le faire tellement les zados sont bien dépeint !
Tout est histoire de milieu social et grandiloquence théatreuse.
Touchant.
Réellement